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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/69

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tendres jetons de meuriers blancs, à lier des entes à écusson, au lieu de chanvre, dont communément l’on se sert en délectable mesnage. »

» Voilà la première espreuve de la valeur de l’escorce du meurier blanc, lequel accident rédigé en art, n’est à douter, de tirer bon service au grand profit de son possesseur. Plusieurs plantes & arbres rendent aussi du poil ; mais les unes en donnent petite quantités ou de qualité foible ; il n’est pas ainsi du meurier blanc, dont l’abondance du branchage, la facilité de l’escorcement, la bonté du poil, procédant d’icelui, rendent ce mesnage très-assuré : voire avec fort petite dépense, le père de famille retirera infinies commodités de ce riche arbre, duquel la valeur, non cognue de nos ancestres, a demeuré enterrée jusqu’à présent, comme par les yeux de l’entendement, il le reconnoîtra encore mieux par les expériences. Mais afin qu’on puisse rendre, de durée, ce mesnage, c’est-à-dire, tirer du meurier l’escorce sans l’offenser, ceci sera noté : que pour le bien de la soie, il est nécessaire, d’esmunder, d’eslaguer, d’étester les meuriers, incontinent après en avoir cueilli la feuille, pour la nourriture des vers, selon, toutes fois, distinctions requises. Les branches provenant de telles coupes serviront à notre invention ; parce qu’estant lors en séve (comme en autre point, ne faut jamais mettre la serpe aux arbres) très-facilement s’escorceront-elles, & ce sera faire profit d’une chose perdue ; car aussi bien les faudroit jeter au feu, mesmes toutes dépouillées d’escorce, ne laisseront bien d’y servir ; si mieux l’on aime, au préalable, les employer en cloisons de jardins, vignes &c. où tel branchage est très-propre pour ses durs piquetons, étant sec & de long service pour la durée, ne pourrissant de long-temps : d’où finalement retiré pour dernière utilité, est bruslé à la cuisine. »

» Et parce que les diverses qualités des branches diversifient la valeur des escorces, dont les plus fines procèdent des tendres summités des arbres, les grossières des grosses branches endurcies, les moyennes, de celles qui tiennent l’entre-deux, lorsque l’on taillera les arbres, soit en les esmundant, eslagant, ou étestant, le branchage en sera assorti, mettant à part, en faisceaux, chacune sorte, afin que sans confus meslange, toutes les escorces soient retirées, & maniées selon leurs particulières propriétés. Sans délai, les escorces seront séparées de leurs branches, employant la fleur de la séve, qui passe tost, sans laquelle on ne peut ouvrer en cet endroit, & ayant embotelé les escorces, chacune des trois sortes à part, l’on les tiendra dans l’eau claire, ou trouble, comme s’accordera, trois ou quatre jours, plus ou moins, selon leurs qualités & les lieux où l’on est, dont les essais limiteront le terme. Mais en quelque part qu’on soit, moins veulent tremper dans l’eau, les minces & tendres escorces, que les grosses & fortes : retirées de l’eau à l’approche du soir, seront entendues sur l’herbe de la prairie, pour y demeurer toute la nuit, afin d’y boire les rosées du matin ; puis devant que le soleil frappe, seront amoncelées jusqu’au retour de la vespérée ; lors remises au serein, de-là retirées du soleil comme dessus, continuant cela dix ou douze jours à la manière des lins, & en somme, jusqu’à ce que