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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/719

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sa jouissance, & de retirer ses avances l’année d’après avec usure, même en ne supposant que trois pontes dans cette première année. Dans la supposition, seulement de trois pontes & d’une mise de cent paires, on voit qu’à la fin de l’année le nombre total sera de quatre cents paires, ou au moins de deux cents, en supposant une infinité d’accidens. Si on est prudent, on laissera la seconde année s’écouler encore sans détruire aucune nichée, & l’on est assuré à la troisième d’avoir un produit bien avantageux. Dans le cours des années suivantes, la première ponte demande à être scrupuleusement ménagée ; c’est sur elle qu’est fondée la prospérité du colombier, parce que les pigeons de cette couvée ont toute la force nécessaire pour supporter les rigueurs de l’hiver suivant, parce qu’ils sont accoutumés alors à aller chercher leur nourriture, enfin, parce que (suivant les climats) ils font une couvée dans les mois de septembre ou d’octobre. Si la première couvée n’a pas réussi, ce qui arrive quelquefois par l’intempérie des saisons, on ménage précieusement la seconde, afin de la remplacer. C’est un abus de conserver les pigeons de la troisième, & encore plus de la quatrième & des suivantes. Les pigeons qui en proviennent restent foibles & languissans pendant l’hiver.

On se rappellera long-temps de l’année où parurent les brouillards secs, ou électriques, dont chacun a voulu deviner la cause & l’expliquer ; j’observai à Béziers, que sur plus de cent couvées il n’y en eut pas dix dont les pigeons vinrent à bon port, il en fut de même des poules, & surtout des couvées de dindes.

Il y a deux saisons où l’on garnit communément les nouveaux colombiers, c’est avec les jeunes pigeons du mois de mai, ou avec ceux du mois d’août ; la première est à préférer.

Plusieurs auteurs ont avancé que les pigeons ne se nourrissoient dans les champs que des grains semés par la main de l’homme, & que par conséquent on devoit les nourrir pendant tout le temps où ils n’en trouvoient pas. Si cette assertion étoit vraie, que deviendroient les pigeons auxquels on ne donne aucune nourriture ? ils devroient mourir de faim un mois ou deux après les semailles ; car depuis cette époque jusqu’à la récolte, il s’écoule près de huit mois, & davantage, suivant les climats. La graine de toutes les plantes à fleurs en croix, & à fleurs papilionacées & sauvages, ainsi que celles de la nombreuse famille des graminées, leur fournissent une nourriture suffisante. Ils préfèrent, il est vrai, le froment, le seigle, l’orge, l’avoine, le maïs, le sarrasin, & sur-tout les vesces. Les bisets ne demandent donc qu’à être nourris jusqu’à un certain point pendant la saison de la neige & du froid, & s’il survient des pluies longues & continuelles dans les autres temps de l’année, car le pigeon craint la pluie & les orages, & il aime mieux ne pas sortir de plusieurs jours que de s’exposer à être fortement mouillé. Comme la faim est un besoin cruel, elle force ceux à qui on ne donne rien à manger, dé braver le mauvais temps. On doit juger par là, que son habitation lui devient pénible, qu’il languit, qu’il souffre, & que s’il trouve une autre habitation préférable à la première,