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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/723

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lement qu’on porte avec soi deux cages, qu’on jugera suffisantes pour pouvoir contenir tous les pigeons de ce colombier. Dans l’une seront mis ceux qui auront quatre marques, pour être ensuite envoyés au marché ou à la cuisine, & dans l’autre, ceux qu’on connoitra par ces marques ne pas encore avoir atteint l’âge de quatre ans, & devoir par conséquent être conservés. »

Pour faciliter cette opération difficile, pour ne pas dire impossible, lorsque les boulins sont au-dessus de la portée naturelle de l’homme, on a imaginé de supposer tous les colombiers de forme ronde, & de placer dans le milieu un arbre ou pivot perpendiculaire, tournant sur son axe dans le bas & dans le haut, ou il est fixé dans un anneau contre une des poutres du toit. Cet arbre est garni de distance en distance de quelques barres qui correspondent près des boulins, & qui sont placées à des hauteurs proportionnées, afin d’atteindre commodément par-tout ; c’est sur ces barres que montent les opérateurs, & qu’ils font le tour du colombier.

Les inventeurs de ces opérations, de ce mécanisme, ont à coup sûr eu beaucoup moins de peine à les décrire qu’à les exécuter, & l’on peut dire en général, qu’ils connaissaient bien peu la manière d’être des pigeons. Leur ton affirmatif m’a déterminé à répéter ces expériences, & en voici le résultat.

Le sommeil du pigeon n’est pas fort ; le moindre bruit l’effraie, & si un ou deux d’entre eux sort de sa place & vole, tous les autres suivent son exemple. La mère qui couve ses œufs s’envole avec précipitation, & les entraîne avec elle. Tel a été le résultat de ma première incursion quoique faite avec le moins de bruit possible. Je savois, à ne pas me tromper, le placement des boulins dans lesquels étoient différentes nichées ; j’entrai une seconde fois dans le colombier, si fort à pas de loup, que je parvins à un des boulins ; je mis la main étendue sur une femelle qui convoit, & je lui empêchai de se débattre & de produire aucun bruit par le mouvement de ses ailes, mais je ne pus jamais empêcher le son guttural qu’on peut rendre à peu près par ces mots houm houm, le cris d’alarme ou de frayeur fut bientôt répété par les pigeons voisins, & il gagna de proche en proche à la ronde. Pendant cette circulation je serrai le bec du pigeon que je tenois, & sur-tout bouchant ses marines, je parvins à étouffer le cri, & je restai sans bouger jusqu’à ce que la tranquillité fut rétablie dans le colombier, ce qui fut l’affaire de quelques minutes. Tous les pigeons cependant restèrent réveillés : dans cet intervalle l’ongle fut coupé à celui que je tenois, & je le remis doucement dans son boulin ; mais dès qu’il eut la liberté il s’envola à tire d’aile, se heurtant à droite, à gauche, contre les mars du colombier, de manière que les autres époivantés, se mirent également à voler, & tout fut bientôt dans une confusion extrême. Il est encore bon d’observer que j’étois dans la plus grande obscurité, sans lanterne sourde, dont la lumière, qui est supposée donner dans le boulin, est nécessairement aperçye par les pigeons, qui sont placés en face, & dans tous les points qui y correspondent. Ceux qui ont proposé ces opérations, ont