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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/117

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petit labour suffira avant de semer de nouveau grain ; enfin, on procédera a une nouvelle semaille, si l’espace de temps le permet, avant de songer à la préparation du sol pour recevoir les blés. De tels cantons auront peut-être un avantage sur des climats plus méridionaux, ils ne craindront pas les grandes chaleurs & la sécheresses de l’été.

Dans les climats beaucoup plus tempérés, la prolongation des froids & leur retour plus prochain ne permettent pas de songer à doubler les semailles ; on se contentera d’une seule, qui aura lieu lorsqu’on ne redoutera plus les gelées tardives. Comme cette plante est originaire des pays chauds, la plus petite gelée la détruit, & surtout au printemps, lorsque l’herbe est très-délicate, tendre & très-aqueuse.

De quelle utilité cette plante ne peut-elle donc pas être pour les terrains sablonneux, pour les pays à craie & à plâtre ; enfin, pour tous les mauvais sols qui ne produisent rien sans la multiplication des engrais. On objecte que celui-ci dure très-peu, j’en conviens ; mais il suffit à produire une bonne récolte en grains. Pourquoi ne le réitéreroit-on pas chaque année de repos, puisqu’il se trouve tout porté sur le champ & suffit aux besoins. En outre, on ne fait pas assez attention que ces plantes enfouies tiennent la terre soulevée pendant un certain espace de temps, & qu’alors la chaleur la pénètre davantage ; qu’une plus grande masse est exposée à la lumière du soleil ; que cette opération détruit bien plus les mauvaises herbes, que ne le feroient les labours multipliés. Si la terre est forte & compacte, elle est adoucie & divisée par l’humus ou terre végétale résultante de la décomposition des plantes ; enfin l’humus seul fournit la terre végétale dont la charpente des plantes est formée, & il contient en abrégé tous les matériaux de la séve.

J’ai dit que le sarrasin est originaire d’un pays très-chaud ; mais, en conseillant d’en faire un ou deux ou trois semis, suivant les climats, il faut observer que le sarrasin ne végète avec force que lorsque l’atmosphère est au degré de température ou chaleur qui lui convient. En effet, dans quelques-unes de nos provinces, la coutume est de semer à la fin de juillet, & de récolter le grain vers la fin d’octobre ou au commencement de novembre, parce qu’à la première époque la chaleur du mois d’août & ses rosées aident singulièrement les progrès de la végétation ; mais si les circonstances ne sont pas favorables, la récolte est presque nulle, elle ne l’auroit pas été, si les semailles avoient été plus accélérées ; mais, dans tous les cas, l’herbe fleurie en terre auroit produit un excellent effet. Je ne fais cette observation qu’afin de prévenir ceux qui se détermineront à engraisser leurs terres avec le sarrasin, qu’ils ne doivent pas être étonnés du peu de progrès de ce grain semé au premier printemps ; les progrès seront plus grands à proportion de la chaleur de l’atmosphère. Si le premier semis devient peu herbacé au moment de fleurir, le second dédommagera amplement, & il en résultera que la terre aura été bien travaillée. Le premier semis réussira toujours dans les climats méridionaux de France, ainsi que celui a l’époque indiquée pour le troisième.