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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/174

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la semer & l’enfouir trois fois, presque par-tout deux fois avant de faire le dernier labour & le semis du seigle. Il n’est pas possible que la récolte du seigle ne soit très-belle l’année d’après, à moins que la saison ne s’y oppose. Ces labours, ces semis de graines dont on doit enfouir les plantes, paroîtront au premier coup-d’œil un objet de grosses dépenses ; cependant si on compare ces labours avec ceux que l’on a coutume de donner chaque année, on verra que la différence est bien mince. On doit, j’en conviens, mettre en ligne de compte l’achat de la graine ; cette avance sera largement couverte par une bonne récolte en seigle. Les raves ou turneps, semées pendant l’année de repos, méritent beaucoup d’attention, ainsi que les carottes & toute autre espèce d’herbe destinée à être enfouie ; malgré cela je préférerois toujours le sarrasin semé épais ; il devient un des meilleurs amendemens connus, & aussitôt après que la récolte du seigle sera levée, on peut en semer de nouveau & l’enfouir par les labours avant l’hiver ; ce sera une avance en grains pour l’année suivante. En procédant de cette manière & sans perdre de temps, dans les climats tempérés, on aura le temps, avant de resemer du seigle, d’enfouir trois fois l’herbe, & quatre fois dans les provinces naturellement plus chaudes. C’est ainsi que chaque année on bonifie un champ mauvais, & qu’on convertit un médiocre en un bon ; on peut encore alterner ce dernier avec le grand Trèfle semé par-dessus le blé, ainsi qu’il a été dit dans l’article Trèfle ; par ce moyen l’année qui auroit été consacrée à la jachère, devient une année de prairie artificielle ; & ainsi successivement en grains. On est parvenu de cette manière à donner de l’activité & de la valeur même à certains champs de la Champagne pouilleuse.

On ne sauroit semer de trop bonne heure le seigle, soit dans les pays élevés, soit dans les plaines : plus la plante reste en terre & plus belle est sa récolte, si les circonstances sont égales. Sur les hautes montagnes on sème en août ; au commencement où au milieu de septembre, à mesure que l’on descend dans une région plus tempérée, afin que la plante & sa racine aient le temps de se fortifier avant le froid. Si ensuite la neige couvre la terre, & que la gelée ne l’ait pas encore pénétrée, la végétation du seigle n’est plus suspendue, la neige la favorise au contraire ; (consultez ce mot) elle n’est arrêtée que par de fortes gelées.

Dans les provinces du midi du royaume, il importe que les semailles soient finies à la fin de septembre, parce qu’il est nécessaire que les racines & les feuilles profitent beaucoup pendant les mois d’octobre, novembre & décembre, & acquièrent assez de force afin de résister à la chaleur & souvent à la sécheresse des mois d’avril & de mai suivans. Toutes semailles faites à la fin d’octobre y sont fort casuelles, & bien plus encore à mesure qu’on approche de la fin de l’année. Si on sème après l’hiver, par exemple en février, le grand seigle y profite moins que les seigles marsais dans les provinces du nord du royaume, attendu que sa végétation y est trop précipitée ;