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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/20

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nous ne conseillons point de suivre cette pratique, & nous croyons qu’il est plus avantageux d’avoir un petit nombre d’oignons bien conditionnés, qu’un plus grand nombre de mauvais.

Peu de temps après que le safran a été planté, il produit des racines ; & quand l’humidité de l’automne commence à pénétrer la terre, la fleur commence à s’élever : alors on lui donne un labour superficiel ou un ratissage qui ne s’étend qu’environ à deux pouces de profondeur ; car il faut éviter de couper les fleurs avec le tranchant de l’instrument.

Les fleurs paroissent au commencement d’octobre, alors on les cueille & on les épluche, comme nous le dirons dans la suite. Quand les fleurs sont passées, les feuilles se montrent, & les champs de safran restent verts pendant tout l’hiver. Vers la fin de mai, lorsqu’elles sont presque desséchées, on les arrache pour les donner aux vaches. Pendant tout ce temps on ne donne aucun labour à la terre.

Vers la mi-juin on donne le premier labour à la profondeur de trois ou, quatre pouces. On en donne un pareil à la fin du mois d’août ; vers la fin de septembre on donne le troisième labour, qui n’est, comme celui de l’année précédente, qu’un ratissage qui ne remue qu’à deux pouces de profondeur. Vers le commencement d’octobre on voit paroître la fleur.

On continue une pareille culture pendant trois années consécutives, & ce n’est que dans la quatrième qu’on relève les oignons ; opération qui s’exécute ordinairement dans les mois de juin, de juillet & d’août.

Pour lever ou arracher les oignons, on suit l’une après l’autre toutes les rangées, on les découvre avec la houe, ou avec la bêche en prenant bien garde d’endommager les oignons. Pour cet effet on doit faire la tranchée plus basse que l’endroit où l’oignon a été posé. Ensuite des femmes & des enfants qui suivent celui qui mène la houe, ramassent soigneusement tous les oignons qu’ils mettent dans des paniers pour les porter vers un coin du champ, où l’on en fait de gros monceaux. La Rochefoucault dit, qu’après les avoir mis dans des sacs, on les porte dans des greniers où on les remue comme les noix. Nos paysans ne prennent point cette précaution : les uns, comme nous l’avons dit, les laissent sur le champ pendant un mois ou six semaines, & les autres les replantent peu de temps après les avoir arrachés : quelques-uns les dépouillent de leurs robes, d’autres les mettent en terre sans les dépouiller ; mais tous changent de champ pour les planter : car la terre se trouve tellement épuisée, qu’elle a besoin de se reposer quinze ou vingt ans avant de recevoir de nouveaux oignons de safran[1].

  1. Dans l’Angoumois on ne laisse reposer la terre que pendant sept ans, elle est occupée par des récoltes en blés. Ce laps de temps écoulé, on y replante de nouveau le safran. Ces coutumes confirment ce que j’ai dit si souvent dans le cours de cet ouvrage, que toute culture étoit fondée sur la manière d’être des racines des plantes. Il en est de la luzerne &c. comme du safran, (consultez ce mot) ces plantes épuisent la