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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/249

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détruit les plus foibles. Elles ne peuvent donc tirer les sucs que de la petite portion de terre qui les touche immédiatement. Dans ce cas, comment est-il possible qu’une si petite portion de terre puisse avoir précisément la qualité de principes qui conviennent à chaque espèce de plantes ? Certes, les principes âcres du persil, doux & laiteux de la laitue, amers & austères du cardon, fades de la bette-rave, âcres des radis, ne sont pas disséminés dans ce peu de terrain & en assez grande quantité pour fournir à chaque espèce le suc, & par conséquent la saveur qui lui est propre. Cette saveur provient donc d’un autre ordre de choses qu’on n’a pas assez étudié, & les racines ne vont pas de droit & de gauche chercher le suc qui leur convient, & se détourner pour éviter ce qui ne leur convient pas. Circonscrites & retenues par la terre qui les environne, leurs extrémités peuvent, il est vrai, être attirées, soit par plus de fraîcheur, soit par plus d’engrais ; mais dans l’exemple cité de la caisse, toutes prendroient la même direction, si la distance ne s’y opposoit. Cette direction particulière est un cas étranger à la loi générale qui prescrit aux petites racines & aux radicules de ne s’éloigner que progressivement, & dans le même ordre symétrique de la mère racine ou pivot. Si une ou deux s’écartent de cet ordre, on ne peut l’attribuer qu’à une cause secondaire, mais il seroit absurde de dire que c’est pour aller chercher tel ou tel suc, tel ou tel sel en particulier, puisque toutes devroient prendre la même direction, attendu que toutes sont soumises à la même loi de la nature.

Un peu plus de fraîcheur, une terre plus meuble, plus substantielle d’un côté de l’arbre que d’un autre, n’attirent pas rigoureusement parlant les racines ; mais les racines qui sont de ce côté, ont plus de facilité pour s’étendre, trouvent une nourriture plus abondante, & par conséquent végètent avec plus de force. Les branches de l’arbre correspondantes prospèrent par la même raison & l’emportent en vigueur, en végétation sur celle de l’autre côté ; enfin petit à petit elles attirent toute la sève, & l’autre moitié de l’arbre décline & souvent périt. Certainement cette force de végétation ou de dépérissement, ne doit pas être attribué au choix fait par la racine de tel suc ou de tel sel en particulier.

On parle sans cesse des sels de la terre. Cette expression est vague & ne définit rien. Pense-t-on que le sel acide de l’oseille soit tout formé en terre, & formé exprès pour donner à cette plante son acidité. Le sel doux du raisin, le sel corrosif des plantes laiteuses, l’amertume de la coloquinte, ne sont pas isolés entre chaque molécule de terre. La combinaison & la modification des sels tiennent à une autre cause. Si ces sels existoient tels qu’on les suppose, on les trouveroit dissous dans l’eau qui auroit servi à lessiver ces terres ; &, cependant, le résidu de cette eau évaporée, soit sur le feu, soit à l’air, ne présente aucun vestige du sel acide de l’oseille, du sel doux du sucre, &c. Ce n’est donc pas la terre qui, rigoureusement parlant, fournit ces différens sels isolés des plantes. Elle en fournit la base, & le travail intérieur des plantes le modifie.