Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/469

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vins comme avec les eaux minérales acidulées dont elle enlève la saveur piquante vineuse. Elle ne dépouille pas les vins de l’air fixe qu’ils contiennent en plus grande quantité quand ils sont nouveaux. Les autres acides des vins libres & plus fixes ont plus d’affinité pour la chaux ; aussi les marchands de vin, pour hâter la vétusté des vins nouveaux, lorsqu’on est pressé de les boire, se servent avec succès d’eau de chaux. Elle détruit même dans les vins vieux la verdeur, l’austère & même la dûreté s’ils l’ont encore. L’eau de chaux, dans aucun état des vins, n’enlève ou müe le spiritueux, ni aucun des principes utiles ou conservateurs des vins.

On peut encore jeter par le trou du bondon des charbons embrasés dans le tonneau neuf, ou dans celui qui aura été fûté par la transition du vin. On peut répéter cette opération pendant plusieurs jours de suite ; chaque fois rouler & bondonner le tonneau. Le but de cette opération est d’absorber par le feu la mofette ou gaz putride, & par conséquent de la détruire.

Le sur-moût[1] est également avantageux à la dose de quatre à huit pintes sur un tonneau de deux cent à deux cent cinquante bouteilles selon l’état vicié du vin… Les vins blancs très-gazeux corrigent les vins fûtés dans l’espace de quinze jours. L’introduction & le mélange d’air fixe produisent le même effet. Si un premier mélange ne produit pas tout l’effet que l’on desire, on répète une seconde ou une troisième fois la même opération. On soutire quelque temps après, comme il sera dit à l’article vin… Le gaz marin déphlogistiqué est de tous les fluides aériformes, le correctif par excellence, sans être en aucun point nuisible à la santé. La démonstration de ce principe seroit trop longue & peu à la portée de nos lecteurs, mais on ne craint pas d’avancer ce fait comme complètement démontré par l’expérience.

L’eau de chaux est préférable pour les vins nouveaux fûtés… L’air fixe & ses analogues pour les vins foibles… Le gaz marin déphlogistiqué pour les vieux qui auroient contracté le goût de fût par leur séjour dans un tonneau neuf.

Souvent les tonneaux contractent un goût de moisi, de chansi, lorsqu’étant vuides, on les tient débouchés dans un lieu humide ou peu aéré. Prenez gros comme le poing de chaux vive & bien calcinée, pour une barrique de deux cent cinquante pintes environ ; cassez-la en morceaux susceptibles d’entrer par le trou du bondon ; jettez-les dans le tonneau, ensuite versez peu-à-peu de l’eau en quantité suffisante pour faire fuser cette chaux, & tenez le vaisseau bouché pendant la fusion. Une heure après, ajoutez huit à dix pintes d’eau ; bouchez, agitez la futaille dans tous les sens. Une heure après, agitez de

  1. On appelle Sur-moût l’écume qui dégorge des tonneaux durant la fermentation ; on le conserve sous l’eau, dans des barils cerclés en fer, après l’avoir séparé des pellicules, des pépins & autres débris des raisins, qui en altéreroient les bonnes qualités.