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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/520

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réponse à toutes les objections ; mais si, dans ce cas, on ne veut pas s’en rapporter à ma parole, qu’avant l’hiver on jette, par exemple, dans le coin d’une cour, d’un champ, de la bonne graine de trèfle, on la verra germer au printemps, malgré les alternatives des pluies, des gelées, du froid & du chaud qu’elle aura éprouvé dans le cours de l’hiver.

On voit souvent des hivers sans neige, & le moment de semer passeroit si on l’attendoit toujours ; mais il est excessivement rare que l’hiver soit sans gelée. On choisit donc à la fin de janvier, ou dans le courant de février, le jour auquel commence le dégel, & on sème aussi-tôt. La terre soulevée reçoit la semence, & l’enfouit à mesure qu’elle se tasse. En suivant l’une ou l’autre méthode, on est assuré que les fourmis, au moment qu’elles sortiront de l’état d’engourdissement où les tenoit le froid, n’enlèveront pas les graines, & les graines germeront toutes, parce qu’aucune ne restera à découvert sur la superficie du sol.

On se persuaderoit à tort que la végétation du trèfle doit nuire à celle du blé. L’expérience la plus décisive prouve le contraire, & le prouve de la manière la plus tranchante. Il n’en seroit pas ainsi si on semoit le trèfle en même-temps & pêle-mêle avec les blés marsais. (Voyez ce mot) La chaleur du mois de mars est en général suffisante pour la germination du trèfle ; dès-lors il y auroit un combat entre le trèfle & le blé ; le plus fort atténueroit le plus foible. Au contraire, en répandant la semence sur les blés confiés à la terre en septembre ou octobre, ou même en novembre, ceux-ci ont déjà acquis de la force ; ils domineront le trèfle sans lui porter un préjudice extrême. La plante de trèfle n’acquiert que quelques petites feuilles jusqu’au moment où l’on moissonne le blé, mais dès qu’elle n’est plus ombragée, dès qu’elle jouit de tous les amendemens météoriques, (consultez ce mot) elle fortifie à vue d’œil, pour peu que des pluies bienfaisantes viennent à son secours : enfin, suivant le climat & la saison, elle est en état d’être fauchée ou en septembre, ou en octobre de la même année ; c’est donc retirer d’un champ deux récoltes.

L’année d’après, cette terre, suivant la détestable coutume de la majeure partie de la France, seroit restée en jachères ; on l’auroit labourée si souvent, qu’il n’y seroit pas restée une seule herbe ; mais au lieu de cette nullité réelle de produits, cette terre, ce champ, donneront au moins deux superbes coupes d’excellent fourrage, souvent trois, & même quatre, suivant le climat & la saison.

L’avidité de l’homme l’engage à ne rien perdre, & par ignorance il ne voit que le moment présent ; plus il récolte, & plus il s imagine gagner. Il ne réfléchit pas que c’est trop demander à la terre, & que ce trèfle qu’il admire, & dont la récolte sourit à sa vue, a absorbé par sa végétation, & pour nourrir ses feuilles, une grande partie de l’humus, que la terre renfermoit, & que par conséquent les blés qu’il sèmera ensuite, ne trouveront plus l’humus nécessaire à leur prospérité. Alors il dira le trèfle épuise la terre, & il aura raison ; mais s’il laisse la troisième pousse se développer jusqu’à la plénitude de la fleuraison ; si à cette époque il en-