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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/654

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connoît pas ; mais elle est tellement estimée que quelquefois elle est aussi chère que le satin, ou que les plus belles soies de la Chine. Quand elle est d’une certaine bonté, rien n’est capable, pour ainsi dire, de la gâter, l’huile même n’y fait point de taches. Il faut que le Kien-cheu soit bien estimé en Chine ; puisqu’on le contrefait avec la soie ordinaire, afin de la mieux vendre ».

« Au reste, il y a bien de la différence entre la soie de Tsuen-Kien, & celle de Tyan-Kien. Les fils de la première espèce sont d’un gris roux, ceux de la seconde sont plus noirs ; mais tellement mêlés de plusieurs couleurs, que souvent la même pièce est divisée en raies jaunes, grises & blanches ».

« Les Chinois ont encore une autre espèce de vers à soie, différente des vers domestiques, & qui est aussi comme sauvage. Voici comment ils profitent du travail de ces vers… il y a en Chine une espèce de mûrier appelé ché ou yesang, qui croît dans les forêts, & qui est petite & sauvage. Les feuilles de ce mûrier sont petites, rondes, terminées en pointe, dentelées sur les bords ; leur fruit ressemble au poivre, leurs branches sont épineuses ».

« Dans certains cantons, aussitôt que les mûriers commencent à pousser leurs feuilles, on fait éclore l’espèce de vers en question, dont on a eu soin de ramasser la graine, l’année précédente, dans les forêts, & l’on distribue les vers éclos sur ces arbres, afin qu’ils s’y nourrissent & y fassent leur soie. Ils deviennent plus gros que les vers domestiques, ils font leur coque de même ; & quoique la soie n’ait ni la beauté, ni la finesse de la soie ordinaire, elle ne laisse pas d’être très-utile. Les Chinois ne prennent pas d’autres soins de ces vers, sinon de les distribuer sur les mûriers, & d’en ramasser les coques lorsqu’ils ont filé leur soie. Aussi ne négligent-ils pas les mûriers sauvageons dont nous parlons : ils percent, dans les forêts où ils croissent, divers sentiers, pour avoir la facilité de les émonder, & d’en chasser les oiseaux. Ils les cultivent d’ailleurs comme les vrais mûriers, & les plantent fort au large. Quand il reste sur ces arbres des feuilles auxquelles les vers n’ont pas touché dans le cours du printemps, ils les arrachent en été, parce qu’ils prétendent que celles du printemps suivant, seroient corrompues par la communication d’un reste de vieille sève ».

Il est bien étonnant que les voyageurs éclairés qui passent d’Europe en Chine, ne se soient jamais occupés de nous donner des détails exacts sur la culture des mûriers, & sur l’éducation des vers à soie, telle qu’on la pratique en Asie. Il est bien plus étonnant encore, que les amateurs d’agriculture & d’histoire naturelle, envoyés par les souverains dans les diverses parties de notre globe, pour faire des recherches, n’ayent pas eu une mission particulière de passer en Chine le temps nécessaire pour s’occuper des objets économiques de l’agriculture de ce peuple industrieux, & de nous rapporter les graines des arbres, & les œufs des différens vers à soie. Pourquoi n’y enverroit-on pas aussi un chimiste instruit dans l’art de la tenture, pour connoître les procèdes, les plantes ou minéraux, dont les Chinois se servent. Ces sortes de