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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/671

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expérience apprend que pareille feuille est très-nuisible aux vers, & leur occasionne des maladies sérieuses. La prudence dicte donc d’éloigner le plus qu’il est possible ce genre d’altération. Si on gagne quelque chose par la prompte cueillette de la feuille, on perd le double & le triple du bénéfice par la mortalité des vers.

Afin de ne pas tomber dans cet abus criant, afin de ne pas multiplier la dépense inutilement, je demande que l’on étende sur la terre de grands draps pour recevoir les feuilles coupées par la cueilleuse. De cette manière, elles restent saines, intactes & entières ; elles ne s’échauffent pas, parce qu’elles sont environnées d’un grand courant d’air ; enfin lorsque les draps en sont couverts, on les relève doucement les uns après les autres, on réunit les feuilles sur un seul que l’on porte à l’ombre. Elles y restent ainsi jusqu’au moment où elles doivent être transférées à l’atelier. C’est le moment de nouer les toiles par les quatre coins, afin qu’elles ne tombent pas dans le chemin ; mais on aura la précaution de ne pas trop les serrer. Si dans l’endroit où l’on cueille les feuilles, on ne peut pas se procurer de l’ombre, elles seront recouvertes par une toile, avec la précaution de tenir soulevées plusieurs de leurs extrémités, afin que par-dessus il règne un courant d’air. En suivant ce procédé, les feuilles rendues dans l’atelier seront presqu’aussi fraîches que si elles sortoient de l’arbre. Enfin on aura une nourriture excellente pour les vers, & on ne se sera pas écarté des lois de la nature, objet unique & qu’on ne doit jamais perdre de vue.

Section III.

Du temps propre à la cueillir.

Si on étoit maître des saisons, si on disposoit à son gré des nuages, je dirois : ne cueillez les feuilles que lorsque le soleil luit, lorsqu’il a dissipé l’humidité causée par la transpiration des feuilles, & surtout par la rosée ; mais souvent l’éloignement du champ planté en mûriers, avec l’atelier des vers, quelquefois la continuité ou la fréquence des pluies momentanées, occasionnent beaucoup d’embarras. L’expérience de tous les temps & de tous les lieux, a prouvé que la feuille mouillée, donnée telle aux vers, après leurs deux premières maladies naturelles, ou mues, ou changement de peau, leur en cause de très-graves & même de mortelles. Il est donc indispensable & urgent que l’art vienne au secours, en un mot que toute humidité soit dissipée avant de présenter la feuille aux vers. C’est pourquoi j’ai conseillé, en parlant des ateliers, de ménager par-dessus & sous le comble du toit, la même étendue en greniers que celle des ateliers. La même raison m’a engagé à prescrire que les tuyaux des poêles passassent à travers le plancher qui couvre l’atelier, & vinssent sortir par le toit de la maison, & encore mieux se rendre tous dans des gaines de cheminées, ménagées aux deux extrémités.

On se contente communément d’étendre les feuilles dans les bas, ou partie inférieure de l’atelier. Ce local est excellent pour les maintenir dans leur fraîcheur, lorsque la saison est belle, & lorsqu’il fait chaud ;