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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/683

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CHAPITRE VI.

Des premiers soins après que les vers sont éclos.

Section Première.

De la chaleur convenable aux vers.

On ne peut pas dire que le ver à soie craigne tel ou tel degré de chaleur, dans nos climats, quelque considérable qu’il soit. Originaire de l’Asie, il supporte dans son pays natal une chaleur, certainement plus forte qu’il ne peut l’éprouver en Europe ; mais il craint le passage subit d’un foible degré de chaleur à un plus fort. On peut dire, en général, que le changement trop rapide du froid au chaud & du chaud au froid, lui est très-nuisible ; dans son pays, il n’est pas exposé à ces sortes de vicissitudes ; voilà pourquoi il y réussit très-bien, & sans exiger tous les soins que nous sommes obligés de lui donner. Dans nos climats, au contraire, la température de l’atmosphère est très-inconstante ; & sans le secours de l’art, nous ne pourrions pas la fixer dans les ateliers, où nous faisons l’éducation des vers à soie.

Une longue suite d’expériences a prouvé qu’en France, le seizième degré de chaleur, indiqué par le thermomètre de Réaumur, étoit le plus convenable aux vers à soie. Il y a des éducateurs qui l’ont poussé jusqu’à dix-huit, & même jusqu’à vingt, & les vers ont également bien réussi. Il ne faut pas perdre de vue ce principe, que le ver à soie ne craint pas la chaleur, mais un changement trop prompt d’un état à l’autre : ainsi, en le faisant passer, dans le même jour, du seizième degré au vingtième, je suis persuadé qu’il en éprouveroit un mal-aise fort nuisible à sa santé. S’il arrive qu’on soit obligé de pousser les vers à cause de la feuille, dont il n’est pas possible de retarder les progrès, on doit le faire graduellement, de sorte qu’ils s’aperçoivent à peine du changement. Le ver à soie souffre autant par les variations de la chaleur, que par la difficulté de respirer, s’il est dans un mauvais air.

M. Boissier de Sauvages va nous apprendre, d’après les expériences qu’il a faites, jusqu’à quel degré on peut pousser la chaleur, dans l’éducation des vers à soie, sans craindre de leur nuire.

« Une année que j’étois pressé par la pousse des feuilles, déja bien écloses, dès les derniers jours d’avril, je donnai à mes vers environ trente degrés de chaleur aux deux premiers jours, depuis la naissance, & environ vingt-huit pendant le reste du premier & du second âge ; mes vers ne mirent que neuf jours, depuis la naissance jusqu’à la seconde mue inclusivement. Les personnes du métier qui venoient me voir, n’imaginoient pas que mes vers à soie pussent résister à une chaleur qui, dans quelques minutes, les faisoit suer elles-mêmes à grosses gouttes. Les murs & les bords des claies étoient si chauds qu’on n’y pouvoit endurer la main : tout devoit périr, disoit-on, & être brûlé ; cependant tout alla au mieux, &, à leur grand étonnement, j’eus une récolte abondante ».

» Je donnai dans la suite vingt-sept à vingt-huit degrés de chaleur au premier âge, vingt-cinq ou vingt-six au second ; & ce qu’il y a de singulier, la durée des premiers âges