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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/131

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comme autrefois, le Nord des Cevennes ; elle gagna bientôt les coteaux du Rhône, de la Saône, le territoire de Dijon, les rives du Cher, de la Marne et de la Moselle. Dès le commencement du cinquième siècle, c’est-à dire dans l’espace de deux cents ans, elle avoit fait ces rapides progrès, lorsque les barbares du Nord, attirés par l’appas de la boisson séduisante qu’on en obtient, se précipitant pour-ainsi-dire les uns sur les autres, comme les flots de la mer, vinrent inonder les terres de l’Empire. La fameuse loi ad Barbaricum qui défendoit à toute personne d’envoyer du vin et de l’huile aux Barbares, même pour en goûter, étoit tombée en désuétude, ou plutôt les Bourguignons, les Visigots et les Francs ne voulurent plus attendre qu’on leur envoyât de l’une ou de l’autre de ces liqueurs, ils vinrent les chercher eux-mêmes. La comparaison qu’ils firent du vin de la Gaule, avec la bierre et l’hydromel dont ils avoient coutume de s’abreuver, détermina presque instantanément les uns à fixer leur séjour dans les contrées où la culture de la vigne étoit déjà établie, les autres à la propager de leurs propres mains dans les cantons où elle n’avoit pas encore pénétré. Leurs efforts furent secondés par les réglemens les plus favorables aux planteurs. La loi salique et celle des visigots vouloient que des amendes fussent décernées contre ceux qui arracheroient un cep ou qui voleroient un raisin. La protection que le gouvernement accordoit à la propriété des vignes, les fit regarder comme un objet sacré. « Chilpéric ayant taxé chaque possesseur de vignes à lui fournir annuellement un amphore de vin pour sa table, il y eut une révolte en Limosin. L’officier chargé de percevoir ce tribut odieux, y fut même massacré ».

Cependant les tentatives de ces divers peuples ne furent pas également heureuses par-tout. Les vignes ne réussirent pas plus sur les côtes de la Manche que sur celles du Pas de-Calais, quoiqu’elles occupassent, les premières sur-tout, un sol dont la latitude est beaucoup plus méridionale que celles de Coblentz ou de Bonn où le raisin parvient à un degré assez satisfaisant de maturité ; et quoique dans toutes les deux, au moins dans quelques endroits, la nature du terrein ne paroisse pas devoir être défavorable à ce genre de culture. N’est-ce point à une circonstance purement locale et par-[1]

  1. tique ; et, du tems de César, cet animal, de même que l’élan et le taureau sauvage, habitoient la forêt Hercinie qui ombrageoit une grande parie de la Germanie et de la Pologne. Le Canada est aujourd’hui la peinture exacte de l’ancienne Germanie. Quoique situé sous le même parallèle que le centre de la France et les comtés les plus méridionaux de l’Angleterre, on y éprouve le froid le plus rigoureux ; les rennes y sont en grand nombre, la terre y est couverte de neiges épaisses et durables, et le grand fleuve Saint-Laurent est régulièrement glacé dans une saison où les eaux de la Seine et de la Tamise coulent parfaitement libres. C’est à la culture seule que cette grande différence doit être attribuée.