Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/291

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

est même aucun de plus propre à succéder à une vigne que sa vieillesse a forcé d’arracher, et qu’on se propose de renouveller au bout de quelques années. L’arrachage et l’extraction des racines de la vigne, exécuté avec soin, (et cet article est de la plus grande importance ) dispose merveilleusement le terrein à recevoir les semences de ces deux excellens fourages ; celles-ci, à leur tour, le nétoyent des plantes parasites et gourmandes, en le couvrant de toute l’épaisseur de leurs tiges touffues. Leurs racines, qui plongent profondément dans la terre, en divisent encore les molécules ces plantes, enfin, par leur longue durée, donnent à toute la masse du terrein le tems de se revivifier et de s’imprégner de nouveau des principes alimentaires de la vigne. Au reste, qu’on prépare, pour la cultiver, soit une terre neuve ou en friche, soit une terre déjà en rapport, l’article essentiel est qu’elle soit assez divisée dans son étendue et dans sa profondeur, pour que les racines naissantes puissent la pénétrer aisément, et sans que leur direction naturelle en soit contrariée.

On crée, on renouvelle, on perpétue une vigne par le moyen des crossettes, des boutures, des plants enracinés, des marcottes et des provins. On pourroit aussi faire usage des semis : mais cette dernière voie paroît trop lente. Duhamel assure qu’un pied de vigne élevé de pépin n’avoit encore produit, chez lui, aucun fruit, au bout de douze années de culture.

La crossette, qu’on nomme aussi chappon, est une partie de sarment poussé dans l’année et à laquelle est jointe une petite portion du bois de la pousse précédente. Sans cette annexe, la crossette seroit une bouture, puisqu’elle seule établit la différence. Plusieurs cultivateurs les emploient indistinctement, parce qu’ils n’ont fait aucune remarque qui fût particulière à la manière d’être ou de végéter de chacune d’elles, ou qui ne fut commune à toutes les deux. En effet, il seroit difficile d’assigner une fonction particulière à ce vieux bois qui forme la crossette : il ne donne jamais de racines ; il n’est point susceptible de recevoir la communication du mouvement végétatif ; à peine il est enfoncé en terre qu’il tend à la décomposition.

Il n’est-là vraisemblablement que pour attester les bonnes qualités de la bouture à laquelle il est joint. « Les anciens, dit Olivier de Serres, ont commandé qu’en cueillant les crossettes ou maillots, leur soit laissé du vieux bois : non que cela de soy serve à la fertilité ; mais afin que par-là l’on fust bridé de ne planter que des œils les plus profitables, lesquels sont toujours les plus proches du tronc. Ainsi ce vieux bois y demeurant, l’on ne peut être trompé en cela, autrement il seroit facile d’une longue crossette en faire, par tromperie, deux ou trois, contre l’intention de tout bon vigneron ». En parlant du choix des plants et de la manière de les mettre en place, nous employerons donc indistinc-