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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/31

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comme une ressource pour leurs bestiaux, qu’ils regardent comme une calamité mémorable, d’être contraints de les affourrager.

En battant leur blé plus tard, et dans l’hiver, ils maintiendroient plus long-temps la paille saine et fraîche ; en remettant chaque gerbe dans son lieu, en la conservant avec les herbes fines qui croissent avec le blé, en y laissant même quelques grains qui ont résisté aux premiers coups de fléaux, en entassant enfin la paille avec les mêmes soins que les gerbes de blé, ils auroient un excellent fourrage.

Ce n’est pas sans des motifs qui touchent à la question même que je traite, que je rappelle cet état de choses ; parce que la paille, beaucoup mieux que le foin, dispose les organes digestifs des animaux à la reprise du verd, parce que les foins, souvent recueillis par es inondations et de longues pluies, occasionnent des maladies dangereuses, même le charbon ; d’autres fois, serrés trop verds, ils fermentent dans les tas ; parce qu’enfin, le meilleur foin, celui duquel il ne se dégage ni poussière, ni qualités malfaisantes, pris seul et en grande quantité, altère la santé, et diminue plutôt la vigueur des animaux qu’il ne sert à la maintenir.

Tant que la terre n’a pas donné signe de vie pour les herbes, les bestiaux mangent avec appétit les fourrages secs ; et si d’ailleurs les soins ne leur manquent pas, et s’ils ne sont pas trop pressés dans les étables, ils dépérissent peu ; mais aussitôt que l’herbe nouvelle commence à poindre, ils perdent leur appétit ; le peu de verdure qu’ils trouvent à l’aspect du midi, suffit pour les dégoûter du fourrage sec ; ils en rebutent une grande quantité dans les rations qu’on leur donne : c’est alors qu’il faut redoubler de soins, car c’est une époque véritablement critique ; et j’insisterai presque plus pour les soins du pansement, que pour le choix d’un meilleur fourage. Malheur aux bestiaux qui ne sont pas étrillés et bouchonnés ; qu’on accumule en grand nombre sous un même toit, et qu’on fait reposer sur plusieurs couches épaisses de fumier, pour les tenir plus chaudement. La vermine s’en empare ; car, de même que les plantes languissantes sont bientôt couvertes ou d’insectes qui les dévorent, ou d’excroissances fongueuses qui en absorbent les sucs végétatifs ; de même aussi les bestiaux, parvenus à une grande maigreur et langueur, sont bientôt tourmentés par des insectes qui pullulent d’une manière prodigieuse, en raison directe même de leur appauvrissement, et qui se répandent bientôt sur tous ceux de l’étable.

Les hommes de campagne, trop indifférens sur les effets de cette vermine, ou trop confians sur les effets merveilleux de l’herbe nouvelle, et de la fraîcheur des nuits, pour faire disparoître ces insectes, laissent ainsi consumer leurs bestiaux ; et il arrive, ce que j’ai vu tant de fois, que la démangeaison, portant les animaux à se frotter sans cesse, leur poil tombe ; il survient des dartres et des ulcères : la bouche s’enflamme ; les glandes