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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1800, tome 10.djvu/51

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tion de quelques instans ; ils en remettent de la nouvelle aussitôt, à laquelle ils ajoutent du son et du sel ; les plantes sont encore vertes quand ils les donnent à leurs vaches : et c’est ce qu’ils appelent la buvée.

L’agronome et l’homme d’état qui attacheront de l’importance à la multiplication des bestiaux, seront étonnés de la grande quantité de bestiaux qu’on nourrit en verd avec des moyens aussi précaires, et ils pourroient mieux juger de celle qui devroit exister dans toutes les contrées où la terre offre spontanément et en vain tant de ressources pour en élever et en nourrir.

Il y a encore une autre plante, hors le cercle ordinaire des prairies artificielles, qu’il importe de faire connoître, non que je prétende indiquer une ressource nouvelle, mais bien une ressource à renouveller ; c’est le seigle : il n’y a pas de fourage meilleur pour mettre au verd les bestiaux, pour raviver les vaches qui tarissent et même pour donner au lait un goût exquis.

Les nourrisseurs des environs de Paris, de Meaux, etc., le connoissent bien sous ces rapports, ils en faisoient un grand usage avant la révolution ; quelques expériences même faites au-dessous de Saint-Germain, par un cultivateur zélé, et d’après laquelle on avoit obtenu une récolte en grain, après une fauche en herbe, avoient singulièrement éveillé l’industrie des cultivateurs, et donné une rapide extension à cette nouvelle prairie artificielle ; mais la disette des grains dans les premiers tems de la révolution, la licence effrénée et impunie de quelques ignorans, échos des factieux des grandes villes, ayant fait soulever par-tout l’opinion vulgaire contre l’emploi d’un tel fourage ; quelques cultivateurs même ayant failli de perdre la vie[1], il en résulte que nulle part on ne cultive de seigle, malgré que le blé soit de 6 à 7 liv. le quintal dans les marchés.

De quelle ressource ne seroit pas le seigle dans les pays où il sert de nourriture aux habitans, où les plantes usuelles des prairies artificielles sont incultivables par l’inaptitude du sol, où enfin tous les colons entendent très-bien la culture du seigle ? mais il faudroit triompher d’un préjugé terrible, incréé dans toutes les têtes, même dans celles qui tiennent à l’administration de l’État « que les plantes destinées à nourrir l’homme, ne doivent pas être employées à nourrir les bêtes, etc. »

Ce n’est point aux cultivateurs de quelques départemens du Midi et de l’Est, qu’il faut conseiller et

  1. Le citoyen… cultivateur, près Lagny, fut enlevé de sa ferme pour avoir mis en coupe une petite pièce de seigle ; amené à Lagny, trempé dans la Fontaine fatale, et traduit par la foule jusqu’à Paris, sur la place de Grève, oùù le général Lafayette lui sauva la vie, en courant lui-même des dangers ; c’est un fait que je me plais à rappeler sur le compte d’un homme trop méconnu et calomnié.