Aller au contenu

Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/117

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vétérinaire ne doit point jouir de la faculté de la rédhibition, parce qu’il est censé connoître tous les défauts des animaux.

Cette exclusion seroit plus raisonnable, quand il s’agit de défauts qui échappent au commun des marchands, faute de connoissances suffisantes, ou faute d’assez d’attention : telles sont la pousse, la courbature, la ladrerie, la sommelière, la morve développée, etc.

Il est aussi des vices très-dangereux : c’est un cheval méchant, qui mord, qui rue, qui n’est traitable que pour une seule personne ; un autre est rétif, peureux, ombrageux, quand il est frappé de quelque chose d’extraordinaire ; il recule, il bondit de côté, au point d’exposer la vie de celui qui le mène. De tous ces cas, les uns rendent l’animal impropre au service, les autres l’exposent à être saisi par la police, et sacrifié pour raison de la sûreté publique ; d’autres enfin le rendent nuisible ; et cependant tous ces défauts ne peuvent être reconnus pour tels par ceux qui font ordinairement le commerce ; mais ils sont connus le plus souvent, ou soupçonnés du moins par les vendeurs. N’est-il pas juste qu’ils soient responsables de ceux qui existoient au moment de la vente ?

Un dernier fondement de la garantie, c’est qu’il est dans l’opinion du vulgaire que certains vendeurs ont des moyens de cacher le mal, et de le faire disparoître au point qu’il n’est plus appercevable pendant un temps. De là est venue l’idée de la garantie ; elle semble plutôt une justice qu’une faveur envers l’acheteur.

Le délai lui donne le temps de connoître l’animal, et rend sa condition moins inégale, comparativement avec celle du vendeur.

La garantie existe donc, parce qu’il y a un défaut ; mais quel défaut ?

Les Lois romaines, dit Varron, engagent à garantir sains et sans défauts tous les animaux que l’on vend ; les chèvres néanmoins, ajoute-t-il, en sont exceptées, parce que la garantie n’auroit pu se faire sans fraude et sans mensonge, puisqu’elles ont toujours la fièvre. Chez les Romains, on n’étoit donc pas plus exempt que chez nous de voir les dictons de l’ignorance envahir l’opinion des gens instruits. Le cri tremblant de la chèvre n’est point une raison de juger qu’elle a toujours la fièvre.

De ce qui précède, nous concluons que la garantie doit reposer sur les bases suivantes :

1°. Le défaut doit être réel.

2°. Il faut que le défaut soit grave, c’est-à-dire qu’il réduise l’animal à une valeur beaucoup moindre ; qu’il le fasse périr, le rende inutile, ou même nuisible, parce qu’il blessera ou infectera d’autres animaux, et que celui qui l’a en sa possession sera tenu de dommages beaucoup plus grands que son prix.

3°. Pour admettre un défaut à jouir de la garantie, ce défaut doit être caché, c’est-à-dire, existant, quelque temps sans se développer, ou bien étant un mal caractérisé par des accès sans aucuns signes dans les intervalles ; ou bien enfin, dans un sens moins rigoureux, ce défaut ne pouvant être reconnu que par ceux qui ont fait une étude approfondie de l’organisation des animaux.

La justice réclame comme quatrième condition, que le défaut soit antérieur à la vente, ou bien, comme on le dit quelquefois, qu’il soit du fait du vendeur, du moins quant à sa cause.

Mais il est difficile de se procurer des écrits, des témoins, de réunir des faits qui prouvent cette préexistence. On a estimé le temps moyen que le mal est à se développer, en prenant pour base sa nature : cette détermination a dispensé de recourir à des preuves souvent impossibles.

La garantie doit être uniforme en France. Les variétés des climats de la France ne causent que de légères différences dans les maladies des animaux nourris sur son sol. Par rapport à la législation, les vices et les maladies de la même espèce peuvent être considérés comme y ayant le même caractère ; ce sont les mêmes causes, les mêmes symptômes, les mêmes suites, elles doivent donc donner lieu à la même action ; et, si l’on admet la garantie, elles doivent avoir la même durée sur tout le territoire français. Le règlement étant général, celui qui souffriroit une garantie pourroit la réclamer pareille à son tour dans une juridiction différente.

La jurisprudence davroit être constante et uniforme.

La raison et le goût, dont les préceptes ont été dirigés dans tous les siècles vers les productions du génie et des arts, ont profité du zèle des gouvernemens pour étendre leur influence dans le sanctuaire des lois. L’unité d’objet, l’unité de dessein, sont devenues aussi des principes de législation.

On voit disparoître les contradictions cho-