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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/133

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moyen que nous voyons s’élever, se naturaliser dans nos climats les végétaux qui croissent sus les bords du Gange et du Mississipi, enfin les semis sont la source des variétés innombrables introduites parmi les espèces.

Mais le rôle que jouent les graines dans la végétation ne se borne pas à la reproduction des plantes qui leur ont donné le jour, c’est dans leur intérieur que la nature a déposé les alimens les plus nécessaires à la vie ; le froment, le maïs et le riz, sont la nourriture fondamentale de presque tous les habitans du globe ; d’autres semences, par l’huile qu’on en exprime, suppléent en quelque sorte à l’absence du jour, ou deviennent l’assaisonnement de la plupart de nos mets, ou présentent des ressources à nos ateliers, et à l’art de guérir des remèdes contre les maux qui affligent l’espèce humaine. Cependant, malgré tous ces avantages, nous ne possédons pas encore de traité dans lequel se trouvent rassemblées les connoissances les plus essentielles sur leurs caractères spécifiques, sur les lieux d’où il faut les tirer, sur leur récolte, leur garde et leur emploi ; un traité ad hoc seroit cependant d’une grande utilité. Vilmorin, qui avoit déjà rassemblé sur ce sujet un grand nombre de faits et d’observations, se proposoit de le publier ; mais cet estimable confrère vient d’être enlevé au jardinage et à l’agriculture, qu’il a éclairés pendant trente-six ans : nous avons tout lieu d’espérer que son fils acquittera la dette du père, et adoucira ainsi les regrets que sa perte a occasionnés.

À l’aide d’un ouvrage qui seroit le résultat d’une longue expérience, et d’une suite d’observations exactes, les marchands et les amateurs du jardinage, lorsqu’ils feroient leur provision de graines, sauroient discerner les vieilles d’avec les nouvelles, celles qui sont franches d’avec celles qui sont récoltées sans soin, les graines des variétés d’avec celles des espèces. On n’auroit plus le désagrément de voir avorter des graines qu’on a semées, et d’en voir lever au contraire sur lesquelles on ne comptoit point ; on pourroit, pour se les procurer, se servir des meilleurs procèdes, et l’on seroit récompensé de ses peines en obtenant les productions les plus excellentes.

Sans vouloir disculper ici les marchands du défaut de succès de quelques graines qu’ils débitent, j’observerai que ce succès ne dépend pas constamment de l’empire des circonstances ; la négligence que quelques uns mettent dans la pratique de leur profession en est souvent cause. Les amateurs du jardinage ne sont pas non plus exempts de reproches à cet égard ; en général, ils montrent trop d’insouciance sur le choix des espèces dont ils désirent garnir leurs clos. S’ils vouloient réfléchir qu’il faut autant d’attention, de place et d’engrais pour obtenir des productions médiocres, que pour s’en procurer de bonnes, sans doute ils se détermineroient à recueillir sur leur terrain celles des graines auxquelles le canton qu’ils habitent est favorable. Plus assurés alors de l’âge, de la pureté et de la qualité de leurs semences, ils compteroient davantage sur le produit de leurs jardins, et ne seroient pas exposés à voir leurs avances et les soins de leurs jardiniers perdus, comme cela arrive fréquemment.

Des porte-graines. Toutes les plantes viennent originairement de semences ; elles en produisent à leur tour : c’est ainsi que la plupart se perpétuent ; mais, pour cet effet, il faut une fécondation préalable, qui n’a pas toujours lieu ; les graines alors, quoiqu’en apparence de bonne qualité, sont dans le même cas que les œufs clairs des poules qui n’ont point éprouvé les approches du mâle : quand la saison est sèche et chaude, plusieurs d’entr’elles ne germent point ; les artichauts en sont un exemple.