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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/135

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tirons d’Angleterre ; il a remarqué que toutes les fois qu’il a planté isolément le chou d’Yorck, par exemple, il a toujours eu la même espèce dans les plants provenus de la graine ainsi récoltée. Si une planche de chou pommé et une de chou de Milan étoient contiguës, il se trouvoit, dans les productions des graines fournies par chacune d’elles, des plants qui participaient de l’une et de l’autre, et qui étoient dans un état de dégénération bien marqué.

On peut citer encore à l’appui de ces observations une pratique assez généralement adoptée en Angleterre, et à laquelle paroît être due la réputation de quelques espèces de graines que nous saisons venir de ce pays. Ceux des jardiniers qui s’adonnent à la culture des graines, ont l’attention de ne cultiver dans le même enclos qu’une seule espèce de choux ou de pois, ou de toute autre plante d’une même famille ; mais une seule espèce de porte-graines est plus commode à gouverner : on la cultive, on la sarcle et on l’arrose, quand le temps l’exige ; on soutient les tiges par des tuteurs contre les vents qui les fatiguent ; on les rassemble quand elles s’étalent trop, on enlève toutes les feuilles mortes et inutiles, qui concentrent souvent la sève dans le pied et le font pourrir ; enfin on défend la graine de la voracité des oiseaux, qui en sont très-friands, par des épouvantails, par des pièges d’une efficacité reconnue.

Parmi les variétés de choux, il y en a dont les pommes ou têtes sont tellement dures et serrées, que les liges ne peuvent parvenir à monter ; ce qui empécheroit souvent d’en récolter la graine, si on n’avoit la précaution de fendre en quatre ces têtes ou pommes, pour donner aux tiges la faculté de sortir. Les belles têtes de choux-fleurs sont quelquefois dans ce cas ; mais comme il y a beaucoup à craindre de les faire pourrir, en y portant le fer pour en retrancher une partie, les jardiniers préfèrent les livrer a eux-mêmes, aux risques de voir leurs plus belles productions dans cette espèce refuser de monter en graine, ce qui arrive assez fréquemment. Les plantes qui rapportent leurs graines la première année, et qui n’ont pas besoin, par conséquent, d’être mises en réserve avant l’hiver, pour être replantées au printemps, n’exigent pas moins que celles-ci un soin particulier dans leur choix ; ainsi on réserve, pour les laisser monter en graine, dans les planches de laitues, de chicorées, etc. les plantes les plus franches, les mieux venues, et on leur donne les mêmes soins qu’aux autres espèces.

À la faveur de toutes ces précautions, on est plus assuré de conserver plus longtemps les espèces dans un état franc ; mais il est d’observation constante que les plantes se fatiguent par des cultures longues et successives, dans la même qualité de terrain, et à une même exposition ; il convient de renouveler de temps à autre les semences, et de préférer, en général, celles qui sont récoltées dans un pays plus septentrional que le sien.

On a remarqué que les graines des superbes choux-fleurs de Malte, d’Espagne et d’Italie, donnent, dans le milieu et le nord de la France, des productions médiocres, et bien inférieures à celles de la même espèce tirées d’Angleterre et de Hollande. Il en est de même de presque tous les légumineux ; ils s’affoiblissent quelquefois par un mode de se reproduire qui n’est pas celui de la nature, et fournissent à la longue des graines très-peu propres à la reproduction : un fait très-remarquable, c’est que la grosse espèce d’artichauts cultivée à Paris et dans les environs, connue sous le nom d’artichaut de Laon, ne produit presque jamais de graines, et le peu qu’on en récolte est souvent incapable de germer. Cette particularité ne peut être attribuée qu’à l’habitude où l’on est