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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/147

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la peau ; mais la graisse qui compose ce qu’on appelle le lard est entremêlée de beaucoup de tissu cellulaire, d’autant plus dur, plus épais et plus dense, que l’animal est plus vieux, et qu’il a plus travaillé, soit pour la propagation de l’espèce, soit pour se rendre d’une foire à l’autre, etc. Cet état n’échappe pas aux charcutiers, ils le connoissent sous le nom de lard routier. Le cuir en est plus épais ; ce qui s’observe sur-tout au garrot : il y a beaucoup plus de tissu que de matière graisseuse, ce qui fait une perte pour le consommateur.

Les parties privées de graisse dans tous les animaux, sont les enveloppes du cerveau, le cerveau et la moelle allongée, le poumon, la rate et généralement toutes les surfaces osseuses dans lesquelles s’implantent les extrémités des muscles. Cependant les parties où la graisse ne se trouve pas en lames, en pelotons, recèlent des sucs graisseux interposés, qui leur donnent cette saveur délicate qui manque aux animaux en mauvais état.

La graisse est pour l’animal vivant une ressource dans les temps d’abstinence, en cas de disette ou de maladie ; c’est un dépôt où la nature puise pour son entretien des matériaux dans lesquels il existe déjà un degré d’élaboration que les organes souffrans sont dispensés de lui donner.

Enfin, celle des gallinacées est la plus douce et la plus agréable de toutes.

On remarque encore que celle du cheval, du chien, est chargée d’arome, et qu’elle n’est propre qu’à brûler ou à faire des onguens.

La graisse est d’autant plus fine et plus blanche, que l’animal est plus jeune ; d’autant plus grossière et plus jaune, que le sujet est plus vieux ou qu’il a plus souffert ; celle des animaux qui ont péri de maladies malignes est d’un jaune très-foncé et très-obscur.

2°. Élaboration de la graisse. La graisse s’accumule à mesure que les vaisseaux déposent dans les mailles du tissu cellulaire l’excédant des sucs nourriciers, dont ils ont profité d’abord pour la réparation des pertes.

Elle est en plus grande quantité dans les endroits où ce tissu est plus abondant ; mais l’accumulation doit s’en faire peu à peu ou sans réplétion trop subite, ce qui détermineroit des accidens fâcheux.

L’ordre le plus commun suivant lequel les parties se garnissent de graisse est digne de remarque. Ce sont les parties extérieures, et principalement le tissu sous-cutané, qui se remplissent d’abord de cette matière ; puis elle se répand entre les muscles, autour des articulations et autour des glandes lymphatiques.

Lorsque toutes ces parties en sont saturées, la nature dirige son travail dans l’intérieur ; d’abord dans l’épiploon, le médiastin, le mésentère, le tissu cellulaire du péritoine, enfin autour des reins, lieu où elle établit des réservoirs très-considérables. Ainsi, l’animal peut être gras extérieurement et ne pas l’être encore intérieurement ; les bouchers et les charcutiers instruits ne s’y méprennent guères ; ils savent bien distinguer l’animal qui n’a pas les deux graisses ; cependant ils se trompent quelquefois.

L’animal peut être peu gras extérieurement, et l’être beaucoup intérieurement. Quand un bœuf gras extérieurement ne l’est pas dans l’intérieur, c’est que la nourriture n’a pas été assez abondante, assez substantielle, ou qu’on n’a pas donné à l’animal le temps d’élaborer sa graisse intérieure. Si, au contraire, la bête peu grasse à l’extérieur, l’est beaucoup au dedans, c’est que des accidens, des douleurs, le défaut de nourriture à l’époque où l’engraissement étoit avancé, ont nécessité l’absorption de la graisse extérieure, pour l’entretien de la vie de l’animal.

Les jeunes animaux qui ne sont pas encore formés, n’acquièrent de la graisse dans l’intérieur du corps, qu’après leur crue complète.

On voit que ces jeunes sujets sont plus longs dans leur engrais, attendu la double fonction de la nature à fournir à la graisse et au développement des parties constituantes ; mais il faut convenir que le sujet qui a été toujours tenu en bon état pendant tout le temps de son développement, est d’une meilleure nature, que sa chair est plus délicate, et qu’il est susceptible de beaucoup moins d’accidens que celui qui a éprouvé diverses altérations dans son éducation.

La belle graisse est blanche et rend la chair tendre : le sang lui-même éprouve des changemens par l’engraissement. Celui des jeunes animaux en bon état est saturé de sucs graisseux, il est plus onctueux et plus délicat que celui de l’animal formé ; et plus le sujet est vieux et en pleine graisse, plus son sang est sec et peu agréable. C’est ce dont on peut s’assurer par les boudins de sang de cochons de divers âges.

Conformation et signes auxquels on juge qu’un animal est disposé à engraisser. L’expérience journalière ne cesse de nous montrer qu’il se rencontre tous les jours des animaux de toute espèce, qui s’entretiennent dans un embonpoint étonnant, tandis que d’autres de