Aller au contenu

Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/149

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peut retarder de deux ou trois ans l’engraissement des moutons qu’on entretient pour le fumier et pour la laine, ainsi que l’engraissement des bœufs dont on veut tirer plus de travail, sauf à les engraisser moins, et de les engraisser avec moins de promptitude et d’économie.

Si l’on vouloit cependant une époque fixe pour engraisser ces animaux, ce seroit, nous le répétons, celle de cinq ans, moment où toutes les dents d’adulte ont effectué leur protrusion.

Voici quelques réflexions qui engageront peut-être les cultivateurs à engraisser les bœufs plus tôt qu’ils ne le font ordinairement.

Ne vaudroit-il pas mieux n’avoir que des chevaux pour travailler, et n’avoir des bœufs que pour les engraisser ? Nous croyons observer une tendance générale à cet usage qui nous paraît avantageux. Ou devroit du moins ne faire travailler le bœuf que jusqu’à cinq ans, époque où sa bouche est faite et son accroissement totalement achevé. À cet âge, le cuir a plus de souplesse, plus de qualité, la chair est plus tendre, plus succulente. Quand on le nourrit au delà, la proportion dont il accroît n’équivaut pas à ce qu’il dépense ; et si on le garde jusqu’à dix ans, ce qu’il a mangé de trop étoit suffisant pour nourrir un autre bœuf.

Ces réflexions sont en partie applicables aux autres animaux qu’on engraisse. La véritable économie est de sacrifier souvent, et de renouveler en proportion.

On sait bien que la chair d’un cheval, qu’un accident rend incapable de travailler, n’est point admise à la boucherie comme celle du bœuf qui est dans le même cas ; mais c’est une perte qu’il faut faire tôt ou tard. Et quelle valeur peut avoir cette objection, quand il est prouvé, généralement parlant, que tout cheval qui travaille à la terre économise beaucoup plus le temps de l’homme, le met à portée de mieux profiter de la saison, et enfin que son travail est le double de celui du bœuf ? Il nous semble que la civilisation doit amener, par ses progrès, une époque où les choses seront en cela parvenues au point qui nous paroît désirable.

Sexes. La chair de vache, de brebis, même grasses, est moins savoureuse que celle du bœuf et du mouton. Ou trouve dans celle du taureau et du bélier un goût sauvage très marqué, qui n’existe cependant pas dans celle des veaux et des agneaux. Les mâles qui ont été long-temps étalons, et les femelles long-temps nourrisses, ont de plus la chair dure et coriace, et n’engraissent qu’imparfaitement. On évite ces désavantages en les employant moins long-temps à la génération. D’ailleurs, on châtre le bœuf, le bélier, la brebis, le cochon et la truie, le lapin, le coq et la poule : la castration dispose à l’engrais.

Cependant on engraisse des coqs et des poules vierges, qui deviennent aussi pesans et plus délicats que les chapons et les poulardes.

Engrais en liberté. Les animaux engraissés en liberté, ou dans des lieux salubres, ont la graisse et la chair plus délicates, plus savoureuses que ceux qu’on engraisse dans la gêne et dans des logemens sales et mal tenus ; ce qui est sur-tout plus sensible dans le lapin, le canard, l’oie et le dindon.

3°. Conditions à remplir pour procurer la graisse. — Première condition : Il est nécessaire que l’animal fasse le moins de perte possible. La première condition, c’est que l’animal perde le moins qu’il est possible de sa substance ; or, il peut perdre par le mouvement, par les sensations, par la génération ; la nutrition est la seule fonction réparatrice de toutes ses pertes.

Mouvement. Le repos absolu convient pour hâter la graisse : on ne doit l’interrompre que pour éviter les suites fâcheuses qu’il pourroit avoir. Mais si le repos accélère l’engraissement, un exercice modéré rend la graisse plus parfaite, de manière qu’il faut opter entre la qualité et la quantité. C’est sans doute une des causes pour lesquelles les bœufs engraissés à l’herbe ont la chair plus délicate, parce qu’ils conservent la faculté d’un certain exercice. Les animaux qu’on engraisse aux champs doivent être conduits lentement, soit pour aller au pâturage, soit pour en revenir.

Cependant il faut éviter de faire passer les animaux d’un travail soutenu à un repos absolu, et faire succéder l’un à l’autre par degrés.

On met les volailles dans des cages, des épinettes, des mues, où elles ont peu de mouvement.

La Ménagère rapporte qu’en Pologne on fait entrer un oison dans un pot de terre défoncé, assez étroit pour qu’il ne puisse s’y tourner, et qu’on l’y enferme de manière qu’il ne puisse en sortir. La tête prend les alimens par une ouverture, et l’anus rend les excrémens par l’autre. L’oie gagne un volume si prodigieux, qu’on est obligé de briser le pot pour l’en tirer. On en sale la chair comme