Aller au contenu

Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/151

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la ration peu à peu à chaque bête : de cette manière elles consomment moins, et profitent infiniment davantage. Ici tout est employé au profit de l’animal. Nulle météorisation n’est à craindre ; les déjections sont faciles, et d’une consistance molle ; les urines sont abondantes, modérément épaisses, et colorées.

Une recommandation qui rentre dans cette condition, c’est de ne nourrir ou de n’entreprendre d’engraisser qu’un nombre d’animaux proportionné à ses moyens : autrement tous souffrent, et aucun ne réussit.

Troisième condition : Que l’engraissement soit lucratif. Une troisième condition est que l’engraissement soit lucratif au nourrisseur ; sans cela, on ne trouveroit personne qui s’occupât d’engraisser des animaux. Pour cela, il faut que les moyens d’engraissement et les frais de la vente soient, le plus qu’il est possible, inférieurs au prix de l’animal engraissé ; ou, ce qui revient au même, qu’on emploie pour l’engraissement les substances les moins chères, celles dont l’approvisionnement est le plus facile et le plus sûr, pour lesquelles on n’auroit point d’autre débouché ou qui soient d’un bas prix. En raisonnant les moyens d’engraissement, on en abrège la durée ; on en multiplie les effets, et par conséquent on le rend économique. Nous nous étendrons peu sur cet article, qui exigeroit des détails très-longs, si l’on vouloit embrasser toutes les situations diverses : nous dirons seulement qu’il nous semble que les personnes qui engraissent, et même celles qui nourrissent, feront bien de cultiver, le plus possible, des racines, telles que les carottes, pommes de terre, navets, betteraves, topinambours, etc., pour prévenir les effets fâcheux des années de sécheresse, de disette ; pour suppléer aux herbes, aux pailles, aux grains, qui viennent quelquefois à manquer. Il faudroit même que, par prudence, on eût des provisions d’une année pour l’autre : du reste, chacun doit modifier nos conseils d’après ses localités et suivant son génie.

4°. Moyens d’engraissement. 1°. Engraissement au pâturage. Les prés naturels ou prés bas, qu’on appelle herbages et vergers, sont les lieux où l’on engraisse en liberté les herbivores.

Ces pâturages sont de plusieurs sortes ; on en distingue de médiocres, d’abondans, de délicats. Les meilleurs sont ceux dont le fonds est une couche épaisse de terre végétale, sur lesquels on n’est point obligé de répandre de fumier ou autre amendement ; dans lesquels y a des sources de bonne eau, ou qui sont arrosés par des rivières, des ruisseaux ; enfin, qui ne sont point ombragés par des arbres, par des bâtimens : l’herbe en est tassée, tendre et très succulente.

Les pâturages délicats sont ceux des coteaux où la couche de terre végétale est suffisante, et ceux que l’eau de la mer arrose, et qui constituent ce qu’on appelle l’herbe salée, la mésote, du Poitou ; les plantes y sont moins pressées, mais elles y sont fines et savoureuses.

Les endroits où l’humus est mêlé de trop d’argile, d’où les eaux s’écoulent difficilement, où elles séjournent long-temps, ne fournissent que des plantes dures et coriaces qui engraissent avec beaucoup de peine et imparfaitement.

Les herbes des bruyères, des bois, des bords des chemins, des chaumes, des jachères ou guérets, ne pèchent que parce qu’elles sont ombragées, et qu’elles sont ordinairement trop peu abondantes.

L’époque où l’on abandonne les animaux dans les pâtures doit être celle où l’herbe a acquis un, deux, trois ou quatre pouces de hauteur, selon la bonté du fonds, dans les fonds excellens. Elle ne tarde pas à pousser dans les endroits que les animaux ont dépouillés.

Si l’on attend que l’herbe soit devenue plus grande, les animaux en mangent davantage à la fois ; leurs viscères s’affaiblissent, se relâchent ; le pissement de sang, les météorisations n’ont souvent d’autres causes que cette abondance subite.

Le bœuf, la vache, le mouton s’engraissent complètement, sans autres moyens, dans les endroits où l’herbe est abondante et de bonne qualité. Le cochon, le dindon et l’oie sur-tout, qui ont la facilité de pâturer, commencent aussi par là leur graisse.

Il faut proportionner la taille des animaux au pâturage : par exemple, de petits bœufs, de petites vaches conviennent aux fonds médiocres ; les animaux qui ont plus de volume auroient trop de peine a y trouver leur subsistance, et s’y engraisseroient mal.

Il faut encore proportionner le nombre des animaux à l’étendue de la pâture, et tâcher de n’y en mettre ni plus ni moins que la qualité du fonds et l’année ne le comportent. Les diverses qualité des fonds sont avantageuses au nourrisseur qui en réunit de plusieurs sortes, c’est qu’il dépose dans les herbages médiocres les bœufs fatigués, au moment où ils arrivent des foires, de même que ceux que l’on com-