Aller au contenu

Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/160

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

au sang qui engorge les vaisseaux du pied. Si cela étoit sans efficacité, il faudroit, sans perdre de temps, faire à chaque ongle avec la renette ou avec une gouge, un sillon de haut en bas jusqu’au sang, dans toute l’étendue du pied ; on tiendroit ensuite le pied enveloppé de cataplasmes faits avec la suie de cheminée liée par le vinaigre.

7°. Inconvéniens de l’engraissement dans les animaux qu’on ne sacrifie pas pour la bouche. S’il est vrai, comme nous l’avons prouvé, que l’engraissement suppose dans les organes réparateurs de l’individu un état parfaitement sain, il s’en faut néanmoins beaucoup que nous soyons portés à conclure, avec le vulgaire, que l’embonpoint soit toujours le plus haut degré de la santé. Au contraire, la surabondance de la graisse comprime les vaisseaux, les nerfs, fait même tomber les muscles dans le racornissement. L’animal auquel l’homme demande du travail, ou un autre service, y est moins dispos, moins propre. Le cheval gras sue et est essoufflé au moindre exercice, il éprouve le fraiement aux ars et est sujet à la fourbure ; la jument avorte ou devient stérile ; le chien perd la finesse de l’odorat et de l’ouïe ; la vache qui s’engraisse ne donne plus de lait ; la poule ne pond plus, etc., etc.

Ainsi, le chien, le chat, l’âne et le mulet sur-tout, doivent être préservés de la graisse, loin qu’on doive les y faire tendre.

Cependant nous allons exposer la manière dont on engraisse les chevaux dans la plaine de Caen, dans l’intention d’en faire mieux sentir l’inconvenance.

L’engraissement est relatif aux chevaux qu’on doit vendre aux foires d’été et d’automne, et à ceux que l’on destine aux foires d’hiver. Le premier est l’engraissement à l’herbe ; le second est l’engraissement au sec.

1°. Engraissement à l’herbe. Les chevaux sont mis d’abord sur un fonds d’herbe peu abondant, trois ou quatre mois avant la foire ; puis on les place graduellement dans un fonds plus fort. En les mettant dans l’herbage on leur fait une saignée, à la suite de laquelle il survient souvent un trombus qui empêche la vente de ceux qui ne sont pas guéris. On les retire de l’herbe, quelques jours avant la vente, pour les ferrer, les panser à fond, et leur tresser les crins ; on les ôte des pâturages plus long-temps auparavant, si l’on veut les soumettre à un piqueur pour les dresser à souffrir l’homme. En agissant ainsi, on n’a point l’intention de les engraisser précisément, mais bien de les souffler.

2". Engrais au sec. Six semaines ou deux mois avant la foire, selon l’état des animaux, on les met dans une écurie bien close, afin que l’air y soit toujours d’une température fort supérieure à celle de l’air extérieur. Ils n’en sortent que huit jours avant la foire, et ils ne sont ni étrillés, ni bouchonnés. Pendant tout ce temps on les tient enveloppés d’une couverture de laine, par-dessus laquelle on met une autre couverture de toile. On leur fournit la nourriture la plus substantielle, la plus abondante, et en même temps la plus variée, afin de les exciter à manger davantage. On leur présente alternativement la paille de blé à moitié battue, appelée gerbée, des pois gris en gerbe, du lentillon, des féveroles en gerbe, enfin de l’avoine ; le tout par petites portions qui se succèdent fréquemment le jour et la nuit. Ils ont pour boisson de l’eau blanchie de farine d’orge ; et la farine est donnée en telle abondance chaque jour, qu’un cheval consomme environ trois cents livres de farine durant le temps de son engraissement. Le cheval qui boude sur sa ration est saigné ; on le saigne encore s’il se manifeste quelques signes de pléthore, et jusqu’à trois ou quatre fois, s’il y a lieu, dans le courant de l’engraissement. Dans la dernière semaine, on l’étrille à fond:tout le vieux poil tombe au premier pansement, et il paroît un nouveau poil très-luisant. On promène le cheval en main, on le dresse à la montre, on le ferre à la marchande, on tresse les crins, et on le présente à la foire.

Nous avons exposé ailleurs les accidens qui sont la suite de cette méthode. (Voyez Fluxion périodique, Gourme, Cachexie, etc.)

Conclusion. Pour qu’un animal soit complètement engraissé et que la chair en soit délicate et tendre, il faut donc qu’il ait une conformation solide, et que tous les organes qui servent à la nutrition soient sains et exempts d’altération ; qu’il soit jeune, ou châtré jeune par l’enlèvement des testicules : si c’est un animal mâle, qu’on lui fournisse des alimens avec ménagement d’abord, puis en abondance et variés, selon ses dispositions. À la fin de l’engraissement, qu’on lui procure des alimens plus choisis, qu’on lui accorde assez de liberté ; enfin, que beaucoup de surveillance et de discernement fassent éviter les accidens qui surviennent avant, pendant et après l’engraissement, qui doit se faire d’ailleurs de la manière la plus économique. On a vu qu’il nuit au service et à la santé des animaux