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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/170

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pant aux approches des gelées d’automne, il aura acquis sa plus grande hauteur.

Ce ne seroit point assez, sur-tout dans une année où les fourrages sont abondans, de s’être borné à augmenter la nourriture des bestiaux, il faut pourvoir à celle des hommes ; et on peut même, à cet égard, espérer encore quelques ressources.

Au mois de juillet, on est encore à temps de cultiver la betterave champêtre ; Commerel l’a semée plusieurs fois à la volée, avec succès, dans le courant du mois d’août, sur une terre meuble et fraîchement labourée ; on l’enterre avec un fagot d’épines, et quelquefois avec le rouleau. Cette plante ne peut être transplantée ; les racines en sont moins volumineuses, mais elles poussent, au bout de cinq ou six semaines, des feuilles propres à la nourriture des hommes et des bestiaux ; on les récolte jusqu’aux gelées : les racines qu’on enlève de terre à cette époque servent pendant tout l’hiver.

Il n’existe plus, en juillet, de pommes de terre dans nos marchés ; l’espèce même la plus hâtive exige toujours, pour compléter sa végétation, le cercle de quatre mois environ, et à peine en reste-t-il trois jusqu’aux premières gelées blanches ; mais je puis annoncer, d’après l’expérience, que cette plante, quoiqu’en pleine floraison au moment où son feuillage aura été haché par la grêle, est encore en état de procurer une récolte : il s’agit seulement d’en chausser le pied soit par un léger binage, soit en la butant.

La pomme de terre, comme le topinambour et les autres racines potagères, en bravant ainsi l’effet destructeur de la gelée, prouveront sans doute de quelle importance il seroit de donner encore plus d’extension à leur culture ; et ce n’est pas la seule occasion où les malheurs auront rendu l’homme plus sage que sa philosophie.

Après avoir indiqué aux habitans des cantons frappés par la grêle quelques unes des ressources qu’ils peuvent mettre à profit pour augmenter leur subsistance et celle des bestiaux, il y a un autre objet à remplir, et sur lequel mon collègue Thouin a bien voulu m’éclairer dans la note qui suit.

Les blessures que la grêle fait aux arbres sont long-temps à se guérir ; il en est même qui ne se rétablissent jamais, et la perte qu’elle occasionne est souvent considérable ; elle perce les feuilles, casse les branches, meurtrit l’écorce des rameaux et du tronc, ou lui fait des plaies plus ou moins graves, à raison de son volume.

La dilacération des feuilles, lorsqu’elle est portée à un certain point, arrête la végétation des arbres : quoiqu’il faille peu de temps pour la rétablir, il arrive très-souvent que les fruits qui n’ont pas été abattus par la grêle, tombent peu de temps après ; il en est de même des feuilles déchirées, qui sont chassées par de nouvelles, mais l’arbre est bientôt rétabli.

Les fractures des branches occasionnent une perte beaucoup plus considérable, parce qu’il faut infiniment plus de temps pour la réparer. Indépendamment de la perte du jeune bois destiné à porter des fruits l’année suivante, on perd encore l’espoir de récoltes abondantes pendant deux ou trois ans. Il est rare que les branches abattues par la grêle soient cassées net ; elles sont ordinairement éclatées, elles emportent avec elles des lanières d’écorces, ou elles laissent des chicots irréguliers, fendus dans leur longueur. Ces deux fractures sont fort dangereuses pour les arbres, sur-tout dans une saison où la sève est dans toute son activité, et le soleil dans toute sa force ; l’eau qui s’introduit entre le bois et l’écorce, les sépare bientôt, et l’effet du hâle, de la sécheresse et de l’humidité, occasionne des maladies souvent mor-