Aller au contenu

Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/197

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

supérieur à celui de la navette et du chenevis ; j’ai donc pu dire avec fondement que nulle plante connue ne fournit autant d’huile que la julienne ; et cet avantage acquiert un plus haut degré d’intérêt, quand on a reconnu que les peines, les dépenses nécessaires à cette culture, sont fort au dessous de celles qu’entraîne la culture des autres plantes à graines oléagineuses. Mais, avant d’entrer dans ces détails, il convient de parler de la qualité de l’huile de julienne.

L’économie domestique trouvera dans cette huile des propriétés désirables, celles de brûler très-bien dans les lampes, de donner une lumière vive, de ne pas se consumer plus vite que les autres huiles, et de ne répandre aucune odeur. Mais ces bonnes qualités ne sont pas sans quelques inconvéniens ; l’huile de julienne produit, en brûlant, plus de fumée que toute autre, et cette fumée noircit le linge des personnes qui se tiennent ou travaillent à la lumière de cette huile. Ce n’est guère qu’en ce seul point, que je ne suis point d’accord avec M. Delys, qui assure que la fumée de l’huile de julienne ne noircit point un morceau de papier blanc, exposé à quatre pouces au dessus de la lumière. Il ne seroit vraisemblablement pas difficile de purifier l’huile de manière à se débarrasser de cette fumée incommode.

Du reste, l’huile de julienne se fige et se condense comme celle d’olive ; elle une saveur amère, très acre, qui ne permettra jamais de l’employer dans la préparation des alimens ; mais elle peut servir utilement dans les arts et les manufactures, où elle remplaceroit avantageusement les huiles qu’on y consomme.

Rien n’est plus simple que la culture de la julienne ; la graine une fois semée, le cultivateur n’a plus, pour ainsi dire, à s’occuper de la plante qui se propage d’elle-même, soit par les graines qu’elle laisse échapper à l’époque de leur maturité, soit en produisant des rejetons que l’on replante. » La julienne, selon M. l’abbé Delys, se plaît dans les terrains les plus médiocres ; cinq pouces de terre sur la pierre lui suffisent, et elle réussit encore sur un fond de marne, mêlé avec un peu de terre ; le moindre labour lui suffit, et elle n’exige pas une terre fumée. »

Je n’ai pas observé les différences que la nature du sol peut présenter dans la culture de la julienne, n’ayant semé cette plante que sur une bonne terre, qui avoit reçu des engrais et les façons convenables ; la graine y fut répandue très-claire et à la volée, dans les premiers jours d’octobre ; elle ne fut recouverte que de fort peu de terre. L’année suivante, les tiges avoient plus de quatre pieds de haut, (celles de M. Delys ne s’élevoient qu’à deux pieds) et jetoient de tous côtés une multitude de rameaux. Les fleurs parurent la seconde année, au mois de juin, et il s’en trouva de blanches, de purpurines et de panachées. Ce mélange de couleurs, dû au hasard, forme le coup d’œil le plus agréable, et l’odeur suave qui s’en exhale embaume l’atmosphère et s’étend au loin, principalement vers le soir, et lorsque le ciel est couvert ; les vents poussent quelquefois ces douces émanations jusqu’à plus d’une demi-lieue de distance.

Ces fleurs très-odorantes et d’une jolie apparence, quoique simples, durent et se succèdent pendant un temps assez long ; elles produisent de longues et nombreuses siliques qui renferment de petites semences rougeâtres. C’est dans le produit de ces semences que consiste celui de la culture de la julienne ; le résultat moyen de ma récolte, durant neuf à dix ans, a été, année commune, de dix-neuf livres pesant de graines par carreau