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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/209

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et d’arbustes forme une espèce de taillis qui n’est pas sans profit pour le propriétaire. En effet, outre les fruits qu’il peut y recueillir, toutefois, après avoir laissé la part des lapins, il retire du bois par les coupes qu’il y établit. Quant aux bénéfices de la gafenne proprement dite, ils dépendent eu très-grande partie de l’étendue qui lui est consacrée, et de l’intelligence avec laquelle on la dirige. L’on peut compter, par exemple, que sept ou huit arpens de garenne bien entretenue, fourniront, année commune, plus de deux cents douzaines de lapins.

Mais, ce qui appelle le plus l’attention, c’est la clôture de la garenne ; elle varie suivant les lieux et les ressources qu’ils offrent. Quand on le peut commodément, le mieux est d’entourer son terrain de murs bâtis solidement, de neuf à dix pieds de haut, et dont les fondemens pénètrent assez avant en terre pour que les lapins ne puissent, en fouillant, s’échapper par-dessous. Un fossé plein d’eau forme encore une bonne clôture, si sa largeur est au moins de dix a douze pieds, si le bord intérieur est en pente douce, afin que les lapins puissent y descendre et non y tomber, et si le bord opposé est taillé à pic et rehaussé par un cordon en terre pour ôter à ces animaux la possibilité de franchir le fossé en grimpant contre cette sorte de contrescarpe, dont l’on soutient les terres par de la maçonnerie ou par une plantation de saules et d’osiers. La ceinture d’eau qui entoure a garenne présente le double avantage de l’agrément et du produit. L’on sait combien le voisinage des eaux courantes a de charmes à la campagne ; la fraîcheur qu’elles répandent dans l’atmosphère tempère les feux de la canicule ; la pelouse et l’ombrage de leurs rives offrent un abri contre la chaleur du soleil, des lieux agréables de repos et des asiles qui semblent consacrés à la méditation, à la douce mélancolie ou aux plus tendres souvenirs. Le sol le plus aride cesse de se refuser aux efforts de la culture et de la végétation, dès que la nature et l’art y dirigent des eaux qui roulent avec elles la fraîcheur et la fertilité ; et si de nombreux poissons y habitent lorsqu’elles sont destinées à enfermer une garenne, le tableau devient doublement animé par les courses des animaux terrestres qui s’agitent et se croisent en tous sens, par les mouvemens plus doux, mais non moins précipités, des poissons qui divisent l’eau avec aisance ou s’élancent au dessus de sa surface, et par les peurs que ces deux peuplades timides se communiquent et se rendent réciproquement. La pêche viendra alors joindre ses amusemens et ses profits à ceux de la chasse, et l’on aura accompli le précepte qu’Olivier de Serres rapporte, comme très-utile et déjà ancien de son temps :

La réparation aura double usage,
Si tu te veux montrer entendu en ce ménage.

Les palissades et les haies sont de mauvaises clôtures pour les garennes ; les lapins sautent par dessus les premières et passent à travers les secondes. D’ailleurs, les unes et les autres laissent quelque accès aux renards, aux fouines, aux chats sauvages et domestiques, ennemis aussi actifs que cruels des lapins, et que l’on ne peut trop prendre de soin d’éloigner des endroits où l’on en nourrit.

Quand un terrain est disposé pour être converti en garenne, rien n’est plus aisé que de la peupler : il suffit d’y lâcher quelques lapines pleines ; les petits qu’elles y font s’y propagent en peu de temps, néanmoins pas aussitôt que si l’on établit un clapier ou petite garenne domestique, d’où l’on tire, comme d’une pépinière vivante, les jeunes rejetons de l’espèce, pour en garnir la grande garenne. À mesure que les jeunes lapins y ont pris quelque accroissement et quelque force, on les porte sur le terrain qui leur est destiné, et où l’instinct leur apprend