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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/247

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ils sont possesseurs. Ils connoissent les plantes légumières à la levée et à l’inspection des feuilles séminales, comme certains pépiniéristes praticiens connoissent et signalent un bon ou mauvais fruit à l’inspection de la couleur de l’épiderme, du nombre et de la disposition des boutons, dans un temps où les arbres fruitiers manquent de feuilles ; de même que les personnes exercées (les grainetiers) à voir sous plusieurs formes et nuances différentes, selon les qualités des terres, les lieux ou les saisons qui les ont produites, connoissent souvent les nombreuses sous-variétés de diverses espèces de plantes, à l’inspection de leurs semences. Ces connoissances qui composent, comme on dit, le tact propre à chaque état qui dérive de la botanique, me paroissent supplémentaires de cette science, et non secondaires, comme il semble que le plus grand nombre des botanistes le pensent, en n’indiquant pas dans leurs articles ou dans leurs leçons les nombreuses sous-variétés, races et nuances de légumes et de fruits utiles, à cause de l’inconstance des caractères propres à les décrire : sans doute ces caractères sont fugitifs, mais leur étude présente tant d’utilité, que ce motif suffit pour s’y livrer, et je ne doute pas que si ces sujets étoient sérieusement médités, ils ne soient féconds en résultats les plus prospères à l’agriculture.

L’art du maraîcher consiste à obtenir le plus grand produit possible d’un espace de terre, en cultivant ensemble plusieurs sortes de légumes qui puissent réussir dans le même sol, et de nature à se protéger l’une par l’autre, ou au moins à ne pas se nuire ; il consiste à ne jamais laisser la terre en repos, et à obtenir quatre à cinq récoltes dans la même année, et plusieurs sortes de légumes ensemble : par exemple, de l’épinard, du cerfeuil ou du cresson, dans un carré de choux ; des radis dans une planche de romaines ; et ces légumes ajoutés, semés de manière à n’être bons à couper ou à arracher qu’au moment précis qu’ils pourroient nuire aux choux ou aux salades, etc. etc. Mais, avant d’entrer dans ces détails pratiques, nous devons parler du jardin potager, qui n’est autre chose qu’un marais, puisqu’il est d’autant mieux soigné et plus productif, qu’il en approche davantage, et que le jardinier qui le cultive a plus de connoissances maraîchères : il nous paroît aussi utile d’entrer dans quelques considérations sur les plantes légumières, les racines nourrissantes, les salades et autres légumes, avant de décrire leur mode de semis, leur culture et la manière de les disposer sur la même superficie de terrain dans les marais.

Il semble que les plantes potagères étant dans les mains, et je dirois presque exclusivement sous la surveillance du jardinier de la maison, soient condamnées au mépris. Si le propriétaire habite sa terre et qu’il s’occupe de la faire fructifier, il prend soin des bois, des champs et des prés ; et si, fixé à la campagne, il abandonne cette administration à un autre, il charme alors ses loisirs par la disposition et l’arrangement des bosquets, ou en cultivant de brillantes et riches collections de fleurs ; mais le spectacle de nombreux légumes assortis dans le jardin potager, l’occupe peu. Je ne sais d’où vient ce mépris de l’agriculture légumière ; il seroit cependant facile de démontrer qu’il est possible de rendre plus profitable le jardin potager.

On voit, dans plusieurs contrées de la France, des plantations légumières, dirigées par de très-riches propriétaires, souvent revêtus d’un grand caractère public, qui s’honorent d’une telle occupation, et qui ne dédaignent point le genre de bénéfice qu’elle présente. Si on attache de l’intérêt à la possession d’une pêche plus succulente que l’autre, pourquoi ne pas partager ce sentiment entr’elles et un