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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/251

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châssis, et soignez ce repiquage en ôtant toutes les feuilles qui pourrissent ; et, en janvier ou février, selon la température, plantez ces romaines au midi, au dos d’un mur ou d’un brise-vent, à un pied de distance, et les rangs à six pouces ; cela fait, semez le même jour des radis et du poireau. Le 20 mars, les radis seront bons à arracher, la romaine au Ier. mai et le poireau en juin ; bien entendu que ce terrain aura été préparé par un ou deux labours, et fumé avec de bon terreau : ainsi cette première saison donne des radis, de la romaine ou de la laitue, et du poireau.

Deuxième saison. Labourez le même terrain qui vient de produire à la fois des radis et des raves de diverses couleurs, des romaines ou des laitues, et du poireau, de la ciboule ou de l’ognon, et, au lieu de le fumer avec du terreau consommé, couvrez-le d’un bon pailli ou de débris de vieilles couches, et plantez alternativement un rang de chicorée, ou de scarole et de cornichons : la chicorée est bonne à cueillir en juillet, et les cornichons en août ou à la mi-septembre.

Troisième saison. Labourez et fumez avec du terreau consommé le même terrain qui a produit les légumes ci-dessus mentionnés ; semez des radis et des mâches, et plantez de la chicorée : les radis seront bons en vingt jours, les mâches en quarante, et la chicorée se cueillera tout l’automne et l’hiver. Ainsi, il est évident que la même planche de terrain a produit huit ou dix espèces combinées ensemble, dans le cours de l’année.

Et ainsi se combinent tous les autres légumes, pour obtenir un profit double, triple, quadruple, sur la même superficie de terrain, eu égard à leurs rapports mutuels et à leurs besoins d’eau, d’engrais ou d’abris : par exemple, on sème des radis et du cerfeuil, et on plante des choux sur la même planche ; on plante un carré de cardons, et on sème des navets sur la même superficie ; de l’épinard ou de la laitue à raser ; on ne plante jamais un carré de salades sans y mêler des radis ou des raves, et si on laisse des légumes choisis pour porter des graines, on les place à de longues distances, pour qu’ils n’interrompent pas la culture des autres légumes.

Je n’ai pas besoin de dire que ce mode de cultiver si profitable, suppose beaucoup de bons engrais, des ouvriers robustes, une surveillance active et des arrosemens abondans et multipliés. Le maraîcher de Paris et sa femme, presque toujours bras et jambes nues, les pieds dans une chaussure grossière, sont sobres, dorment peu et travaillent beaucoup : à minuit ou à une heure, la femme et les garçons maraîchers portent au marché les légumes disposés la veille sur des paniers ou dans des hottes ; et si le temps est à l’orage, on a grand soin d’humecter les légumes, et particulièrement les salades, qui pourroient être frappées par l’influence active de l’électricité, se déformer et s’allonger, et perdre ainsi de leur qualité et de leur prix : ce soin est sur-tout utile si les salades sont cueillies vingt-quatre heures avant de les exposer au marché : le mari va rarement au marché, il donne ses soins aux châssis, aux cloches, aux couches, conservateurs des plantes qui seront mises plus tard en pleine terre. Cette surveillance est indispensable ; une gelée, un coup de vent de nord peuvent détruire toutes les ressources de l’année. De retour de la halle, on se met au travail : ici le maître et le valet mangent ensemble, et une grosse soupe sert de déjeûner ; plus loin, même régime pour le dîner, après lequel on dort une heure ou deux, pour retourner immédiatement au travail ; quelquefois, le soir, on mange la viande qui a servi à faire le bouillon, ou quelques légumes cuits ; car il est à remarquer que les jardiniers ont l’heureuse habitude de ne pas manger de