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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/340

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ŒUFS. Les œufs sont le revenu principal d’une basse-cour bien garnie en volaille. Ils présentent, comme aliment, comme assaisonnement, et comme médicament, une ressource infiniment précieuse dans toutes les circonstances de la vie. Apprêtés sous une multitude de formes, et sous toutes les formes également utiles et salutaires, ils figurent sur la table de l’homme riche comme sur celle du pauvre, du citadin comme de l’habitant des champs, de l’homme robuste comme de l’homme foible, en un mot le voyageur trouve dans les œufs une nourriture substantielle qui supplée à toutes les privations auxquelles il peut être exposé dans ses courses, et le malade lui-même, sans consulter son médecin, se permet l’usage d’un œuf frais. Ce seroit donc faire un tort réel à la société que de lui enlever les œufs en les soumettant tous indistinctement à l’incubation.

Destinés par la nature à la reproduction de l’espèce, les œufs ne remplissent pas toujours ce but important ; les animaux en détruisent considérablement, parce qu’ils y trouvent une nourriture dont ils sont extrêmement friands ; l’homme qui partage ce goût, mais souvent devancé par eux dans la recherche des nids, a imaginé de rassembler autour de lui les oiseaux les plus féconds en œufs, et en œufs de qualité supérieure ; et tel est le succès de sa spéculation, qu’en leur procurant un gîte commode, un abri contre leurs ennemis, une subsistance appropriée, suffisante et assurée dans tous les temps, des soins et un traitement méthodique, il est parvenu non seulement à favoriser, mais encore à augmenter la propagation de ces oiseaux, à améliorer et à varier les races, et à en perfectionner les résultats. Il faut convenir cependant que, si la domesticité est parvenue à perfectionner la chair des oiseaux de basse-cour, elle n’a pas eu une influence aussi marquée sur la qualité des œufs ; elle en a seulement augmenté le nombre et peut-être le volume par les croisemens. L’état sauvage donne tant de qualité aux œufs, qu’on assure que, dans le pays d’Alençon, où la perdrix rouge est très-commune, il y avoit autrefois des pourvoyeurs qui cherchoient à en enlever les œufs pour les faire passer en Hollande, où ils étoient estimés pour la table, au point qu’on les payoit jusqu’à quarante sous pièce.

Les œufs des oiseaux soumis à la condition de la domesticité sont généralement bons à manger ; mais, à l’exception de quelques endroits très-circonscrits, où leur usage, comme alimens, est adopté, on ne les considère plus comme objet de commerce :

1°. Parce que les femelles qui les fournissent sont trop peu multipliées ;

2°. Parce que les œufs qu’elles pondent sont en trop petit nombre, et que tous, à l’exception de ceux de la seconde ponte, sont employés au maintien et au renouvellement de l’espèce ;

3°. Parce que, quand bien même les canards, les oies et les dindons compléteroient leur ponte, et produiroient plus d’œufs qu’ils n’en donnent ordinairement, toutes les localités ne sauroient convenir à leur éducation.

Il n’y a donc que la poule qui, parmi les oiseaux de basse-cour, puisse vivre et se multiplier au milieu de nos habitations ; elle s’accommode avec tant de facilité de tous les climats, de tous les terrains, et de tous les aspects, que, quoique facilement effarouchée par le plus petit animal étranger, elle s’apprivoise, s’accoutume volontiers avec tous les gens de la ferme ; elle ose venir manger avec tous les bestiaux jusque dans les râteliers et dans les auges ; elle se placeroit même à la table du maître, s’il vouloit l’y souffrir ; mais, fidèle à la maison qui l’a élevée et nourrie, non contente de l’enrichir tous les jours de ses œufs, elle ne s’en écarte jamais ; de sorte qu’en apercevant une poule, le voyageur est assuré qu’il n’est pas loin d’une habitation. La poule se trouve dans tous les pays : c’est une véritable cosmopolite.

Avant de nous occuper de développer les avantages que les œufs procurent aux hommes réunis en société, sans qu’il soit nécessaire d’augmenter le nombre des poules, arrêtons-nous un moment sur ce qui constitue en général ce produit des animaux ovipares.

Qualités physiques de l’œuf. Dans un siècle où une obscurité, profonde voiloit tous les secrets de la nature, Aristote a appliqué ses méditations et ses recherches à la nature des