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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/349

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après l’absence du mâle, dans ma basse-cour expérimentale, où il n’y avoit eu auparavant que deux coqs pour le service de cent poules, j’ai remarqué qu’un tiers de chaque couvée est venu à bien, lorsque les autres œufs n’étoient que des œufs clairs. Ce résultat n’a pas dû me surprendre ; et on se tromperoit si on vouloit l’apporter en preuve de l’insuffisance d’un seul coq pour féconder cinquante poules : car il est possible que, dans un moins grand nombre de poules, il se trouve des femelles naturellement stériles, ou qui n’ont jamais été cochées dans la saison des amours, ou qu’en recevant pour la première fois les caresses du coq, le chapelet ou la grappe ovaire ne soit trop avancée pour profiter du principe de la fécondation.

Ce qu’il y a de bien constaté, c’est que la poule n’a nullement besoin de l’approche du coq pour produire des œufs. On a vu une poule en cage pendant deux ans, pondre régulièrement tous les deux jours, depuis le mois de ventôse jusqu’à la fin de fructidor, sans jamais manifester le moindre désir de couver, et sans que les œufs possédassent moins de qualité que ceux des poules en liberté, ayant eu communication avec les coqs. Les œufs naissent naturellement sur cette grappe qu’on nomme l’ovaire, et peuvent y grossir, mûrir, et s’y perfectionner sans être fécondés.

Le principe introduit par l’acte du mâle contribue peut-être à les organiser pour le but que la nature se propose ; mais il n’a aucune influence sensible sur le goût et la propriété alimentaire des œufs, , et on ne devine pas pourquoi ceux pondus, sans être fécondés, ont été accusés d’être moins savoureux et moins sains que les autres.

Pour répondre à cette inculpation vague, je me bornerai à dire que pendant deux hivers on n’a mangé chez moi que des œufs clairs, et personne n’a été incommodé de leur usage. Combien d’œufs circulent, dans le commerce, qui ne sont pas fécondés ! Il y a des années où la plupart des poules n’en pondent pas d’autres, et les marins qui n’embarquent des poules que pour avoir des œufs frais, ne leur procurent pas de coqs. Transportons-nous d’ailleurs chez les bonnes femmes qui, de temps immémorial, sont dans l’habitude d’entretenir quelques poules sans mâles, et nous verrons qu’elles n’en consomment pas moins les œufs avec plaisir et sécurité. C’est donc à tort que des particuliers qui veulent avoir quelques poules, pour ne pas laisser perdre les miettes de la table et les débris de la cuisine, croient qu’elles ne pondroient pas, s’ils ne leur procuroient la société d’un coq. Ils nourrissent un mâle en pure perte, et le grain qu’ils épargneroient les mettroit à portée non seulement d’avoir une femelle de plus, mais encore des œufs plus susceptibles de se conserver.

Les vicissitudes des saisons ont beaucoup de part au succès de la ponte. Le froid la retarde et la diminue, le chaud opère un effet contraire : aussi est-elle plus hâtive ou plus longue au midi qu’au nord. On doit donc se ménager, dans l’endroit où on élève un grand nombre de poules, tous les moyens reconnus pour produire au besoin cet effet, comme le voisinage d’un four, d’une étuve, etc. On sait que les bonnes ménagères du pays d’Auge font jucher leurs poules sur le massif d’un four, et les font couver dessous dans des niches pratiquées exprès ; ce moyen facilite la multiplication des poulets, de manière qu’on en a de gras pour le mois d’avril.

On a remarqué que des alimens administrés chauds et cuits accélèrent et augmentent la ponte. Rozier a vu une pauvre femme de campagne, propriétaire d’une seule poule, qui, le soir, au moment où cette poule alloit se jucher, lui chauffoit fortement les environs de l’anus, et chaque jour elle donnoit son œuf. Je ne rapporte ce fait que comme une preuve de plus, pour démontrer que la chaleur est utile à la ponte ainsi qu’à la couvaison, et qu’il faut toujours y recourir dans ces deux cas.

Quoiqu’on ne puisse révoquer en doute que la nature ait eu pour but la reproduction des espèces dans la ponte, il y a cependant de grandes différences dans la disposition des oiseaux à remplir cette fonction importante ; elle se répète une fois par mois chez les pigeons, tandis qu’elle n’a lieu parmi les poules que deux fois par an ; la première, après l’hiver, est la plus considérable ; la seconde, qui a lieu à la fin de l’été, ne vient pas toujours à bien. Il n’est pas question ici des moyens auxquels l’homme, fatigué de passer son hiver sans manger d’œufs frais, a recours pour se procurer cette jouissance ; nous n’avons ici en vue que la production des œufs en général, sans le concours de moyens extraordinaires et dispendieux.

Nous avons déjà cité un fait qui prouve qu’une poule peut accomplir sa ponte en cage, comme en liberté ; cependant la servitude semble avoir, à cet égard, une grande influence. Beaucoup d’oiseaux enfermés ne pondent ni