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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/355

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de cette espèce, à peine peut-on en utiliser vingt-cinq, ainsi que plusieurs navigateurs l’ont certifié.

Le séjour continuel des volailles en mer, dans le lieu qui leur est destiné, leur occasionne un mal aux pattes qui leur enlève les ergots ; mais cette maladie n’arrive guères qu’à celles engraissées : leur pesanteur et le peu d’exercice qu’elles ont, y contribuent peut-être aussi. Toutes éprouvent, dans les premiers jours du départ, une sorte d’abattement ; plusieurs même ne veulent pas manger ; d’autres rejettent ce qu’elles ont pris. Cette indisposition momentanée n’est due qu’à leur présence à la mer : elles s’y habituent insensiblement.

Une observation assez particulière, c’est que si on oublie de baisser la toile placée sur le devant de chaque cage, une partie des oiseaux qu’elle contient perd la vue, sur-tout en approchant des tropiques. On attribue cette maladie au serein et à la lune. Ils engraissent alors très-promptement. Les poules principalement qui ne peuvent plus agir comme les autres, sont attaquées par celles en santé, qui leur plument d’abord le croupion, puis le ventre, qu’elles percent et déchirent pour en enlever la graisse et les intestins : elles tuent ainsi leurs camarades, pour en sucer aussi le sang, quand elles manquent de vivres ; mais avec quelques soins, on peut prévenir cet inconvénient.

Ne pourroit-on pas, en embarquant des œufs clairs au lieu de ceux qui sont fécondés, faire un choix d’autres volailles que des poules ? Les canards, par exemple, qui tiennent mieux la mer que les oies, il suffit de leur donner souvent de l’eau douce ; les oies en consomment beaucoup ; et quand ces différentes volailles seroient beaucoup affectées du mal de mer, on leur feroit boire de la drage, c’est-à-dire un mélange d’un peu de rhum avec de l’eau. Toutes ces circonstances ont frappé M. Baunach, pharmacien distingué des hôpitaux militaires. Témoin des inconvéniens de la multiplicité des cages à poules en mer, il a proposé, à l’Académie de Marine de Brest, de restreindre la provision de volailles à bord des vaisseaux. Lorsque le fournisseur auroit livré le nombre de poules auquel il est tenu, on pourroit, à terre, donner à ces poules la nourriture la plus propre à les engraisser ; et quand elles seroient grasses, on les marineroit par les procédés suivans, et reconnus les meilleurs. En suivant cet avis, on rempliroit un des buts qu’on se propose dans l’embarquement des volailles, d’en pouvoir manger souvent ; et on rempliroit un autre but, celui d’avoir de bons œufs, en emportant une provision d’œufs clairs.

« Après avoir flambé, épluché et vidé les poules, poulets, coqs, etc., on les coupe par membres, on leur casse un peu les os, on les blanchit, c’est-à-dire, on les fait bouillir dans l’eau, et on ne les laisse que le temps marqué, pour qu’ils ne perdent pas leur goût ; dès qu’ils sont cuits et bien égouttés, on dispose au dessus du foyer, pour les y tenir suspendus, des barres sous lesquelles on allume un feu clair, fait avec du bois de genièvre, qu’il faut continuer jusqu’à l’évaporation de la plus grande partie de l’humidité des pièces de volaille ; ensuite on jette sur la braise des baies de genièvre, du thym, du serpolet et des graines de coriandre ; lorsque les pièces de volaille commencent à se noircir, on arrête la fumigation : il faut faire attention que la fumée ne soit pas trop épaisse, mais toujours accompagnée de la flamme. Dans cette opération, la vapeur imprime à la chair une nouvelle qualité, c’est-à-dire, elle lui communique le parfum et le goût aromatique des épices dont elle a été fumigée. D’un autre côté, on disposera l’eau ou le bouillon dans lequel on a fait blanchir ces corps, avant de les exposer à la fumée, pour les faire entrer dans la composition. On enlève à ce liquide la graisse pelliculaire qui nage à la surface, et on lui donne, au moyen d’une chaleur modérée, la consistance d’une gelée très-épaisse. Enfin, on mêle exactement la gelée et l’oseille confite, dont on met au fond d’un baril un lit de l’épaisseur de deux travers de doigt ; on y place une couche de la volaille qui a reçu l’apprêt que je viens d’indiquer ; il faut continuer ainsi, en mettant lit sur lit l’oseille confite et la volaille, jusqu’à ce que le baril soit presque plein ; et pour le remplir tout à fait, on y coule une couche de beurre salé, foiblement liquéfié, de l’épaisseur d’un travers de doigt ; après avoir bien fermé le vase, on le place dans un endroit convenable. Je me suis assuré, par l’expérience, que les viandes marinées ainsi se conservent dix mois et plus, et peuvent être employées sans inconvénients à faire du bouillon pour les malades. Il faut observer que l’oseille confite dont je viens de parler, m’a été fournie du port, où il existe une manufacture dans laquelle on confit la sauer-kraut et l’oseille, nécessaires pour l’approvisionnement des vaisseaux. Cette dernière plante, après avoir reçu son apprêt, et versée dans