Aller au contenu

Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/364

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

embonpoint prodigieux que l’on pourroit appeler à la fin hydropisie graisseuse, suite d’une atonie générale dans le système absorbant, occasionnée par le défaut de mouvement avec une nourriture succulente et forcée, dans une atmosphère trop désoxigénée.

Mais, n’oublions pas de le dire, le canton où l’engrais des oies se pratique avec le plus de succès, c’est le Lauraguais, dans lequel le maïs est généralement cultivé. M. Villèle, placé entre Toulouse et Carcassonne, a fait, en différens temps, des expériences très-intéressantes, dont le résultat, qu’il m’a adressé, sert à prouver que les plus belles oies ne pèsent guères au delà de dix à douze livres, lorsqu’on se borne à les laisser manger à discrétion, sans ensuite les gorger ; que si cette opération s’exécute trop promptement, et qu’on cherche à épargner quelques livres de graisse, on n’obtient que des oies demi-grasses de douze à treize livres, tandis que celles méthodiquement et parfaitement engraissées pèsent jusqu’à vingt livres. Or, cet excédant consistant en graisse, et cette graisse valant seize sous la livre, chaque oie entièrement grasse vaut au moins six livres de plus que celles à demi-grasses, et ces six livres valent trois fois plus de quarante sous ; d’où il suit que quand on cherche à économiser quelques livres de grains dans l’engrais des oies, le profit qu’on en retire ne peut jamais compenser celui qu’on a épargné.

Salaison des oies. En économie domestique, les procédés les plus simples sont précisément ceux qui doivent mériter la préférence, et qu’il faut s’empresser de répandre ; car, pour peu qu’ils paroissent exiger quelques soins et des opérations compliquées, on les rejette même avant de les avoir essayés ; c’est à cette cause qu’est due souvent la lenteur avec laquelle les meilleures pratiques sont adoptées dans les campagnes.

On connoît deux méthodes pour conserver les oies en pot. La première consiste à les employer crues ; dans la seconde, il s’agit de les cuire : toutes deux ont leurs partisans. La première est la plus délicate, mais la plus coûteuse, parce qu’il devient nécessaire alors de se servir d’une graisse étrangère pour condiment.

Pour les préparer cuites, ce qui est d’usage le plus général, on fait rissoler les quartiers des oies dans un chaudron de cuivre où la graisse fond ; quand les os paroissent et qu’une paille entre dans la chair, l’oie est assez cuite ; on arrange les quartiers dans des pots de terre vernissés, au fond desquels on met trois ou quatre brins de sarment pour empêcher les quartiers de toucher au fond, et que la graisse les entoure de tous côtés. Il faut avoir soin de couper les os dont la chair s’est retirée ; c’est la première partie de la salaison qui rancit, et qui gâte le reste. On y verse de la graisse d’oie, de sorte qu’en se figeant elle couvre bien toute la chair, et la garantisse du contact de l’air ; quinze jours après, on verse par-dessus de la graisse de cochon jusqu’à l’ouverture du pot, pour bien remplir les fentes qui se sont faites à la graisse d’oie ; et on couvre le vaisseau d’un papier trempé dans l’eau-de-vie et d’un gros papier huilé ; mais malgré ces précautions, les quartiers les plus élevés contractent au bout de cinq à six mois une odeur légère de rance.

Par une autre méthode, l’oie est salée crue : après avoir coupé la viande en demi-quartier ou l’équivalent, on presse en tous sens un morceau contre le sel égrugé comme du gros sable, et bien sec, et on le place dans le pot avec le sel qu’il a pu prendre ; on continue ainsi, morceau par morceau, ayant le soin, en les plaçant, de les presser fortement les uns contre les autres, et