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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/39

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où le fumier est très-commun et à bon compte, et où l’engrais qui provient des vidanges n’est pas apprécié à sa valeur. On rend, dans de pareilles circonstances, un grand service à l’agriculture, en desséchant ces matières, et en facilitant ainsi leur transport à de grandes distances, et dans des cantons où le fumier est rare et coûteux.

Nous pensons que, dans toute autre circonstance, cette préparation doit être proscrite. En effet, on ne peut obtenir de dessiccation qu’en exposant les matières fécales, durant plusieurs mois, sur une grande surface, à l’air, au vent, au soleil, et même à la pluie. Elles restent ainsi exposées pendant deux ou trois ans à la voierie de Montfaucon, aux environs de Paris. Il faut les remuer à plusieurs reprises, les agiter, les amonceler, les tamiser, etc. L’influence des météores, ainsi que l’effet des manipulations, occasionnent, dans ces matières, une déperdition prodigieuse des principes les plus favorables à la végétation ; de sorte que l’on peut calculer, sans crainte d’erreur, que la même quantité de matière, mise en fermentation avec de l’eau, ou mélangée avec des terres, produira deux fois plus d’effet que ne feront les mêmes matières réduites à un état pulvérulent. Il en est de cet engrais comme de celui produit par les animaux. Quelle diminution n’éprouveroit-on pas dans les fumiers, si, au lieu de les conduire, ainsi que cela se pratique dans nos fermes, on exposoit, pendant des années entières, les excrémens et les urines des bestiaux à l’influence de l’atmosphère, et qu’on les réduisît en poussière, après leur avoir fait subir différentes manipulations ? C’est une méthode qu’on ne parviendra jamais à faire adopter aux cultivateurs.

Dans le cas où l’on destineroit ces matières au transport, il vaudroit mieux les amalgamer avec de la terre, et en former des pains ou galettes, ainsi que cela se pratique en Chine. Les Missionnaires, dans l’ouvrage cité plus haut, tome II, page 226, disent que ces galettes sont préparées à Pékin, et que de ce lieu on les envoie dans les provinces méridionales de l’empire. Il est vrai qu’en employant ce moyen, le transport devient plus dispendieux ; mais on ne doit pas hésiter à lui donner la préférence, si, comme on ne peut en douter, la quantité d’engrais est dans ce cas augmentée, de manière à donner de plus grands bénéfices au manipulateur et au cultivateur. On trouve, en outre, dans cette préparation, l’avantage d’employer les matières aussitôt qu’on les sort des fosses d’aisances ; on évite une partie de la dépense ; on gagne du temps, on n’a pas besoin d’emplacemens aussi vastes ; enfin, l’on diminue de beaucoup l’infection qui résulte du maniement de ces matières.

Nous ajouterons, pour résumer ce qui vient d’être dit, que les matières fécales ne doivent point être employées fraîches et sans addition d’eau, ou sans être mélangées avec des terres, ni dans un état pulvérulent, à cause des inconvéniens ou des pertes qui en résultent. La manière la plus avantageuse d’en tirer parti, c’est de les laisser fermenter avec l’eau, ou avec des terres et d’autres substances, ainsi que nous l’avons expliqué dans le cours de cet article. Lorsqu’elles auront subi ces préparations, on pourra les employer dans toute espèce de terrain, et pour quelque genre de production que l’on voudra, sans craindre qu’elles donnent une saveur désagréable, soit aux plantes, soit aux grains, soit aux fruits. Je répéterai qu’il n’est aucun genre d’engrais qui puisse leur être comparé, si l’on en excepte la colombine. Mais la facilité de se les procurer dans toutes les circonstances, et l’abondance avec laquelle la nature les répand, semblent les avoir destinées à être le premier agent de la reproduction des végétaux. (Lasteyrie.)