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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/393

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terrain fertile ; moins, s’ils sont destinés à y rester trois ans, que s’ils doivent n’en sortir qu’à six ; les peupliers d’Italie le seront moins que les ormes, à raison de la disposition pyramidale de leurs branches, etc. En général, il faut garder un juste milieu ; lorsque les plants sont trop écartés, leur cime ne conserve pas à leur pied cette fraîcheur qui leur est si avantageuse, ils filent moins régulièrement, et il en résulte une perte évidente de terrain ; lorsqu’ils sont trop serrés, ils s’étiolent, se nuisent réciproquement par leurs racines, par conséquent profitent moins, et ne recevant jamais sur leur écorce les rayons du soleil, ils ne s’endurcissent pas contre leur action, et risquent ensuite de périr, brûlés par eux, lorsqu’on les plante isolément. On ne fixera donc pas rigoureusement ici la distance la plus convenable ; mais on dira qu’elle ne doit pas être moindre d’un pied, ni plus forte que deux pieds en terrain de moyenne qualité : l’excès en plus est toujours moins à craindre que l’autre.

Il est plusieurs manières de mettre le plant en terre, ou en faisant une rigole de quatre pouces de large sur six ou huit de profondeur, ou en creusant, à la pioche ou à la bêche, une suite de trous de même largeur et profondeur, ou simplement en faisant usage du plantoir.

Ces trois manières s’emploient selon les circonstances.

La première est principalement en usage, lorsqu’on a des plants trop foibles qu’on veut faire fortifier avant de les mettre en ligne dans la pépinière, parce que, afin d’éviter un emploi inutile de terrain, on les place très-près les uns des autres ; on en fait aussi usage, lorsqu’on plante des marcottes de tilleuls, de platanes, etc., de la reprise desquelles on n’est pas assuré. Dans ces cas, on ne laisse le plant que pendant une ou au plus deux années dans ce local, après quoi on le place autre part, en espaçant convenablement les pieds ; cette manière s’appelle planter en jauge, parce qu’elle est analogue à l’opération qu’on appelle mettre en jauge, opération dont on parlera plus bas.

La seconde est la plus généralement employée, et certainement la plus avantageuse. Elle demande quelque habitude pour ouvrir le trou, empêcher les terres de retomber, placer le plant droit et à la profondeur convenable, étendre régulièrement ses racines, et les recouvrir de terre, le tout bien et vite. Il faudroit plusieurs pages pour détailler seulement tout ce qui a rapport à cette opération, une des plus importantes de l’art du pépiniériste, puisque c’est d’elle que dépend principalement la réussite de son entreprise ; et encore, ce que j’en dirais ne suffiroit pas pour guider la pratique. C’est en voyant faire, et encore mieux en faisant soi-même, qu’on acquiert le tour de main si difficile à décrire ; je me contenterai donc de dire que le plant ne doit être ni trop, ni trop peu enterré ; que ses racines doivent être étendues le plus possible, sans être mises dans une position forcée ; que la terre doit être légèrement tassée avec le pied ou le dos de la pioche, et non pas trépignée, comma on le fait trop souvent.

La troisième doit être réservée seulement pour les boutures, attendu que le plantoir durcit la terre en la tassant, et la rend par conséquent moins propre à donner passage aux racines du jeune plant ; d’ailleurs, elle ne fournit que rarement un trou assez grand pour donner à ces mêmes racines tout le développement convenable. Je puis presque toujours juger, lorsqu’on arrache un arbre dans une pépinière, s’il a été planté de cette manière, ses racines étant plus irrégulières et plus rapprochées, que lorsqu’on l’a planté par une des deux autres. Il n’est pas nécessaire que je m’étende sur la nécessité de faire toutes les plantations au cordeau, attendu que tout le monde sait que cela est aussi avantageux à l’accroissement du plant qu’à l’agrément du coup d’œil.

On n’arrose jamais le plant dans les pépinières forestières : aussi ne doit-on pas l’y mettre en terre dans un temps trop sec ; aussi sa réussite dépend-elle souvent du plus ou moins de pluie qui survient dans le premier mois après la transplantation.

Il est une attention importante à faire, lorsqu’on enlève du plant pour le placer dans un autre endroit de la pépinière, ou pour le vendre, c’est d’empêcher que sa racine ne soit desséchée par une trop longue exposition à l’air ; et quelquefois, dans certains états de l’atmosphère, moins d’une heure suffit pour frapper de mort, par cette cause qu’on appelle le hâle, celui qui paroissoit le plus vigoureux. En conséquence, il faut n’arracher son plant qu’à mesure qu’on le plante, et, lorsqu’on a été forcé d’en arracher une grande quantité à la fois, on doit le tenir constamment en jauge, c’est-à-dire recouvert d’un peu de terre. Il est bien des plantations qui périssent, parce qu’on n’a pas observé cette règle, que les ouvriers négligent souvent sans autre but que de s’éviter quelque travail. On sent, en effet, que les fibrilles du jeune plant sont si minces et si tendres, qu’un instant suffit pour que le soleil ou un air sec