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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/409

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plus grosses et les plus rustiques, y germent elles mieux que dans toute autre ; mais comme elle laisse très-facilement perdre et par l’évaporation et par l’infiltration, l’eau nécessaire à la végétation, il faut l’arroser continuellement.

Les graines des arbres et arbustes, dont il est ici question, doivent toutes être semées dans de la terre de bruyère, et à l’exposition du nord, soit en pleine terre, soit dans des terrines ou dans des pots. La germination de quelques unes demande, de plus, à être provoquée par la chaleur d’une couche à châssis ; d’autres à être placées dans un local dont l’air se renouvelle très-lentement. Elles doivent toutes être arrosées fréquemment et légèrement, c’est-à-dire qu’il faut les entretenir dans une humidité constante, mais modérée. Il est bon souvent de les couvrir d’une couche de mousse qui leur conserve cette humidité, et il le seroit même toujours, si on n’avoit pas à craindre la pourriture des jeunes plants, que cette mousse favorise, et les ravages des insectes que son abri appelle.

La manière d’arroser n’est pas aussi indifférente que beaucoup de jardiniers le pensent. C’est de cette opération que dépend souvent la réussite ou la perte d’un semis tout entier. On doit d’abord éviter, comme je l’ai déjà indiqué, des eaux chargées de sélénite ou de carbonate calcaire, et n’employer celles de puits ou de fontaines, quelque bonnes qu’elles soient, que lorsqu’elles sont parvenues, par leur exposition à l’air, à la même température que lui. Si on néglige cette précaution, la mouillure retarde au lieu d’avancer la végétation. On doit encore imiter la pluie le plus exactement possible, en faisant tomber lentement et également l’eau de la pomme de l’arrosoir. Un arrosement trop rapide produit l’effet d’un orage, il ne mouille pas profondément la terre et en entraîne la surface. La quantité d’eau qu’il faut répandre, et l’instant de la journée où il est le plus utile d’arroser, varient suivant les saisons. Elle doit être plus forte en été qu’à toute autre époque ; après une longue sécheresse, que dans un temps humide. Elle sera encore plus abondante au printemps qu’en automne, parce que les semences sont à la surface de la terre où l’eau s’évapore facilement, et qu’elles ont besoin d’une grande humidité pour se ramollir et germer. En hiver, l’arrosement doit être extrêmement rare, parce que l’évaporation est presque nulle. Il se fera le matin, au printemps, pour que les graines profitent mieux de la chaleur du soleil du midi. Le soir, en été, pour que le jeune plant ne soit pas brûlé par l’activité des rayons de ce même soleil se brisant et formant l’effet d’une loupe dans les gouttes d’eau, et qu’il profite du défaut d’évaporation pendant la nuit.

Les plants levés doivent être laissés en place la première et même souvent la seconde année, pour qu’ils acquièrent de la force. Pendant ce temps, on continue à les arroser moins souvent, et on les sarcle quand ils en ont besoin. Lorsqu’ils sont jugés en état de supporter la transplantation, on les arrache, pour les repiquer dans une terre de bruyère neuve, à une distance de quelques pouces les uns des autres, trois ou quatre, par exemple, et avec les précautions requises ; c’est-à-dire en conservant toutes les racines et toutes les branches. Dans ce nouveau local, qui est également ombragé, elles n’ont besoin que d’arrosemens dans les grandes sécheresses, et de trois ou quatre légers binages ou serfouissages par an. À cette époque, le plant fait quelquefois l’objet d’un commerce particulier, comme celui des arbres forestiers et fruitiers du même âge.

C’est à la troisième ou à la quatrième année qu’on arrache de nouveau ces plants pour les vendre ou pour les placer à demeure, les uns dans une terre et une exposition quelconque, mais qui ne soient pas trop en opposition avec celles qu’ils quittent ; les autres toujours dans une terre de bruyère et à l’exposition du nord, mais à une distance les uns des autres proportionnée à la grandeur qu’ils sont susceptibles d’atteindre. Là, on jouit de tous leurs avantages, et on n’est tenu qu’aux labours ordinaires à tout jardin.

Le lieu destiné à recevoir une plantation de ce genre est appelé une plate-bande de terre de bruyère. Le pépiniériste est obligé d’en avoir, ainsi que l’amateur, parce que beaucoup des espèces qui s’y placent se multiplient plus rapidement de marcottes et de rejetons que de graines, et qu’il est de son intérêt de produire le plus dans le moins de temps possible. Il est donc nécessaire de parler de son établissement.

Sur la longueur d’un mur d’environ huit à dix pieds de haut, à son exposition septentrionale, on fait faire une tranchée de même largeur et d’une profondeur de six, huit, dix ou douze pouces, selon la nature des espèces de plantes qu’on est dans l’intention d’y placer, et selon le plus ou moins d’abondance de la terre de bruyère qu’on a à sa disposition. Le fond de cette tranchée est ensuite couvert de quatre pouces de sable pur, et rempli de terre