Aller au contenu

Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/442

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Naturellement timides, les pigeons prennent l’épouvante au moindre bruit ; celui qu’occasionne le feuillage des grands arbres qui avoisinent les colombiers, suffit pour troubler leur tranquillité. Il faut donc, autant qu’il est possible, placer le colombier éloigné des passages trop fréquentés ou des grandes plantations, ne pas y entrer brusquement, sans avoir auparavant frappé deux ou trois coups à la porte, afin que les pigeons qui se trouveroient à l’entrée ou dans la partie inférieure ne prennent point d’effroi. C’est de toutes ces attentions, minutieuses en apparence, et principalement de la très-grande propreté qu’on entretient dans le colombier, que dépend souvent son succès. L’observation suivante servira à prouver la vérité de cette assertion.

Lorsque des propriétaires se déterminèrent à venir habiter leur domaine, qui avoit été entre les mains d’un fermier pendant un bail de neuf années, ils trouvèrent le colombier, qu’ils avoient laissé amplement garni, abandonné, sale et occupé par tous les ennemis des fugitifs : leur premier soin fut de faire blanchir le colombier en dehors et en dedans, de rétablir les dégradations de l’intérieur, de le nettoyer parfaitement et de le pourvoir d’eau en abondance, et de sel. Avec ces seules précautions, le colombier se repeupla comme par enchantement, au point que, quand ils quittèrent de nouveau leur domaine, il s’y trouvoit plus de cent cinquante paires de pigeons, auxquels on ne donnoit pourtant presqu’aucune nourriture. Trois années avoient suffi pour opérer ce changement, et attirer même les déserteurs des colombiers à une lieue à la ronde.

La nourriture la plus ordinaire des pigeons est la vesce, l’orge, et le sarrasin, les lentilles, les pois, les féveroles, le maïs hâtif, les criblures et quelquefois du chènevis pour les échauffer et les faire pondre ; mais c’est sur-tout la vesce qui paroît leur convenir davantage.

Lorsqu’ils ne peuvent aller aux champs chercher leur pitance, la vesce est pour eux une nourriture de prédilection. Il faut seulement prendre garde qu’elle ne soit trop nouvelle, et dans ce cas, il faudroit la donner avec beaucoup de réserve, principalement aux jeunes pigeons. On a aussi remarqué qu’une certaine quantité leur causoit de funestes dévoiemens, et qu’il est nécessaire de varier, autant qu’on le peut, toutes les graines qui leur conviennent, les mélanger même ; car l’usage continu d’une seule pourroit rendre le produit presque nul, sur-tout l’orge et le froment, et préjudiciel à la propagation et à la vigueur de ces oiseaux ; mais les pigeons fuyards vivent de toutes les espèces de semences légumineuses, cultivées ou non, et en général de presque tous les grains et des insectes que leur offrent les champs.

M. de Cossigny a remarqué, pendant plusieurs années, que les pigeons de l’intérieur de l’Ile-de-France mangeoient avec avidité des escargots très-petits, qui s’étoient multipliés si abondamment, qu’ils étoient épars sur le terrain, et que pendant tout le temps qu’ils s’en nourrissoient, ils étoient plus gras qu’à l’ordinaire, plus délicats, plus succulens, et multiplioient davantage ; ils avaloient entiers ces escargots qui étoient à peu près de la grosseur d’un grain de maïs.

Le lieu qu’il faut choisir de préférence pour jeter du grain aux pigeons, doit être près du colombier, uni et tenu proprement : on les y fait venir en les sifflant ; c’est le matin ou le soir qu’on leur donne à manger, et jamais à midi, parce qu’à cette heure ils sommeillent. Il ne faut pas non plus que ce soit toujours à la même heure, attendu que cette exactitude attireroit plus sûrement les pigeons parasites du voisinage, qui viendroient partager la ration.