Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/444

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qu’on va lire, et me borner à renvoyer au mot Volière tout ce qui est relatif aux pigeons mondains et aux variétés de cette race, qui ne diffèrent en rien des autres, quant à la nourriture, mais bien à l’égard des nuances de leurs couleurs, de leur volume, et sur-tout de leur fécondité ; car ils pondent presque tous les mois quand ils ne manquent pas de subsistance, tandis que les pigeons fuyards ne font que trois pontes par année.

Des pigeons considérés relativement à l’économie politique. Dans le nombre des auteurs qui ont écrit en faveur des colombiers, nous citerons avec reconnoissance M. Beffroy, ex-législateur, et M. Vitry, qui ont lu des mémoires fort intéressans sur cet objet à une des séances de la Société d’Agriculture du département de la Seine, dont ils sont membres. Ils nous ont permis d’en extraire ce qu’on va lire ; ce sont ces collègues estimables qui vont parler.

« On a plaidé souvent, dit M. Beffroy, dans les contrées agricoles, la cause des pigeons fuyards, accusés pour être les plus grands ennemis des cultivateurs ; on a démontré l’injustice de la proscription portée contre ces animaux, et la fausseté des motifs sur lesquels avoit été fondé l’arrêt de leur bannissement ; on a observé avec vérité, et en leur faveur, qu’ils n’étoient point pulvériseurs ; que ne grattant jamais la terre, ils ne pouvoient découvrir le grain. Extrêmement timide, le pigeon ne peut donc que suivre de loin le semeur, ou le moissonneur, et en escamoter quelques grains à la dérobée, avant que la herse les ait recouverts ; ou marcher à la suite des glaneurs, pour profiter des grains que la bâle desséchée et la secousse de la faucille auront détachés de l’épi. Cette espèce de picorée est, certes, très-innocente, et ne méritoit pas toute la sévérité dont on a usé envers une race précieuse d’oiseaux.

» À quelque époque de l’année que l’on ouvre un pigeon, soit au temps de la moisson, soit même à celui des semailles, on trouve toujours dans son estomac au moins huit fois autant de nourriture formée de la graine de plantes parasites, qu’on en trouve en graminées à l’usage de l’homme ; encore ce qu’on y rencontre, de cette espèce, est-il presque toujours de mauvais grain. On y trouve aussi une quantité assez forte de petits graviers ou de débris de pierres gypseuses, qui servoient sans doute de noyaux à des molécules de sel dont le pigeon est très-friand.

» On peut donc considérer cet oiseau comme le meilleur sarcleur et le plus utile que le laboureur puisse employer ; car ce ne sont pas les herbes qu’il enlève, comme la main de l’homme qui en laisse les racines ; c’est du principe de ces mauvaises herbes qu’il purge les terres, en ramassant les graines qui reviennent à leur surface pendant les différens labours, ou celles qui se sèment d’elles-mêmes dans les intervalles d’un labour à l’autre ; il sait en débarrasser la terre, mieux qu’on ne feroit avec un crible.

» Les services qu’il rend, à cet égard, sont tels, que dans le canton de Dizy, département de l’Aisne, portion de la Thiérarche où l’on a toujours récolté le blé le plus beau, le plus net et le meilleur, ou s’est promptement apperçu de la perte des pigeons ; les terres s’y couvroient d’herbes qui étouffoient les récoltes ; la paille y étoit mince et rare, le grain peu nourri ; il étoit difficile de le purifier assez pour qu’il pût présenter à l’œil cette netteté qui le faisoit rechercher de très-loin pour blé de semence. Les premiers cultivateurs l’avoient remarqué aussi : en prenant à cens les terres de la main des sei-