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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/451

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les pintades sauvages, parce qu’à cette époque de la journée, elles se décèlent pour se réunir et jucher comme font les perdrix. Mais si les habitans de la partie espagnole négligent l’éducation de ces oiseaux, c’est parce qu’ils sont extrêmement communs dans les bois, et que leur chair, et sur-tout celle des pintadeaux, est un gibier délicieux, infiniment préférable à celle des pintadeaux domestiques : car, dans la partie française, où il n’y a presque point de pintades marronnes, les habitans s’adonnent davantage à en élever dans les basses-cours ; elles exigent peu de soins ; on les abandonne pour ainsi dire à elles-mêmes ; elles courent les champs, et reviennent assez souvent se percher près de l’habitation ; elles vont poudre et couver dans les halliers, élèvent leurs petits ; mais la plupart sont perdus pour la maison qui les nourrit : la mère étourdie, s’enfuyant au moindre bruit, les délaisse bientôt ; ils s’égarent, meurent ou sont la victime des animaux de proie.

Pour remédier à cet inconvénient, les ménagères attentives, qui s’occupent de l’éducation des pintades, cherchent à découvrir leurs nids, pour enlever les œufs, et les donner à couver à des poules ordinaires. Cette recherche exige du temps et des soins : on pourroit la rendre plus facile et plus heureuse, par le secours de chiens de chasse, de même qu’on le fait pour les chiens destinés à la chasse de la pintade sauvage ; ils auroient d’autant plus de succès, qu’ils feroient lever la couveuse, qui se décèleroit par son cri. Elle a toujours un caractère sauvage, quoique dans la domesticité, et se plaît plus souvent à l’écart, dans les savanes, que parmi les oiseaux de la basse-cour ; car, elle trouve sa subsistance dans les graines, dans les insectes ; peut-être la nature de cette nourriture la sollicite-t-elle à s’éloigner des habitations pour choisir et trouver ces ressources.

Les pintades vont souvent par troupes, mais toujours précédées par un chef, qui est mâle : c’est le surveillant ; il s’agite et crie dès qu’il apperçoit un oiseau de proie planant sur elles : toutes alors poussent des cris perçans, se séparent, et se mettent à courir, pour se tapir sous quelque hallier, ou sous les hangars de la basse-cour, si elles en font partie : la peuplade volatile répète la même chose ; la terreur devient générale ; les oies crient ; les poules volent pour accélérer leur retraite ; la mère cache ses poussins, que l’instinct porte déjà à se soustraire à la serre meurtrière : en un mot, les ménagères négresses, averties parce tintamarre effroyable, se mettent aussi à faire chorus pour éloigner la buse, qui souvent est détournée par le vacarme qu’elle occasionne, mais dont elle n’est pas toujours épouvantée, puisqu’au milieu de cette espèce de concert, elle enlève souvent des poulets. M. Damart ajoute avoir été témoin d’un combat d’un de ces fameux coqs espagnols qui, après quelques assauts, força une buse à la retraite.

Lorsque la pintade crie le soir, ce cri paroît exprimer l’embarras où le met cet essor, pénible vraisemblablement, qu’elle doit faire pour se percher, à cause de la constitution de l’envergure ; mais, lorsque dans le cours de la journée cet oiseau crie, il annonce, d’une manière certaine, de la pluie on quelque mauvais temps : c’est ce que les ménagères attentives observent très-bien.

D’après ces détails, que M. Damart m’a fournis, il paroît démontré que la pintade, à St-Domingue, n’a rien perdu de ses goûts naturels dans la domesticité. Appartenant à l’ordre des oiseaux pulvériseurs, qui cherchent, dans la poussière où ils se vautrent, un remède contre l’incommodité des insectes, elle gratte aussi la terre, comme nos poules ordinaires ; et ce n’est qu’à la saison des amours qu’elles se séparent, pour aller deux à deux. Il n’est pas facile, au premier coup d’œil,