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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/458

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côté de l’épine dorsale de la plupart des poissons.

La disposition convenable des lieux n’est pas la seule chose nécessaire au succès d’une pipée ; il faut encore savoir choisir les saisons et les heures, et se bien servir des instrumens des pipeurs. La saison de cette chasse est courte : elle me dure guères que six semaines, de la fin des moissons à celle des vendanges, encore, pendant ce temps, ne peut-on revenir avant huit ou dix jours piper au même endroit. Plus souvent, l’instinct ou la mémoire avertiroit les oiseaux du piège, et ils se garderoient d’approcher. On peut cependant commencer les pipées dès la maturité des merises : mais ces premières chasses, dites pipées précoces, ne fournissent pas encore de gibier gras ; les dernières pontes sont alors à peine faites, et il s’y détruit beaucoup de pères et de mères, et par conséquent, avec eux, leur postérité. C’est dans les pipées dites de saison que tous les oisillons gorgés de grains et de fruits mûrs ont acquis toute la délicatesse dont chaque espèce est susceptible. On peut piper encore, s’il vient quelques jours doux, vers la fin de l’automne ; ces pipées, dites tardives, sont même recommandées en novembre pour le passage des grosses grives ou draines, qui d’ailleurs ne viennent pas seules, et attirent avec elles quelques geais ou merles, etc., dont la capture assure au pipeur une bonne récompense de ses soins.

Les heures consacrées à la pipée sont le matin et le soir : cette dernière heure est toujours préférable ; c’est le moment où les oiseaux repus abandonnent les champs et se portent naturellement vers les bois. Libres jusqu’au lendemain du soin de leur nourriture, ils s’occupent avec bien moins de distraction des objets qui peuvent, en cet instant, éveiller un autre instinct et exciter leur curiosité. Dans les pipées du matin, les gluaux doivent être tendus avant le lever du soleil, et détendus à huit heures ; plus tard, la chaleur sécheroit la glu, outre que les oiseaux sont appelés ailleurs par le besoin de chercher leur nourriture. Dans celles du soir, on peut s’arranger à avoir tout tendu environ une heure avant le coucher du soleil. Dans la pipée du soir, il ne faut pas commencer trop tôt à appeler les oiseaux, parce qu’ils viennent naturellement au bois pour se coucher, et que s’ils entendent long-temps, et de loin, l’appeau, ils se familiarisent avec ce son. Le matin, au contraire, il faut piper dès l’aurore, avant qu’ils ne se dispersent pour aller aux champs.

Tous les préparatifs extérieurs achevés, c’est alors que les chasseurs se retirent dans la loge. Ils éviteront d’avoir sur eux des couleurs éclatantes, qui sont plus facilement aperçues des oiseaux, et observeront le plus grand silence. Le pipeur commence à frouer avec la feuille de lierre, (Voyez Appeau) qu’on peut imiter avec une feuille de fer-blanc. Lorsque les oiseaux répondent, il hasarde quelques légers coups d’appeau, imitant la chouette ; il augmente ses tons à mesure qu’il en sent le succès. C’est alors que, si l’on a quelque oiseau vivant, on le fait crier pour exciter le courroux de ceux de son espèce, et les amener à son secours. Au défaut d’oiseaux, un pipeur habile sait contrefaire les cris de plusieurs, tels que merles, geais, etc. Quand ils sont bien rassemblés autour de la cabane, les tons de chouette doivent devenir plus rares, plus foibles, et plus lugubres. Si le pipeur entend un pic dans son voisinage, (et cet oiseau se fait toujours remarquer aux coups dont il frappe les arbres) l’on frappera en même temps que lui avec un manche de couteau pour le forcer d’approcher. Un oiseleur bien armé a parmi ses outils un petit instrument destiné à cet usage, et que l’on appelle masse à pic.