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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/463

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dans les champs, celles-ci à être mangées en fourrage vert, d’autres enfin à être consommées en fourrage sec. On a aussi remarqué que les bestiaux refusent dans une saison les mêmes plantes qu’ils recherchent à une autre époque de l’année, soit que l’âge apporte une modification dans la saveur et l’odeur des végétaux, soit que l’accroissement rende leurs fibres dures et insapides. Les graminées se trouvent dans ce cas ; elles sont recherchées avec empressement par les bestiaux, lorsqu’elles sont jeunes et tendres ; mais ils les refusent, ou ils ne les mangent que faute d’autre nourriture, lorsqu’elles ont atteint leur dernier degré de végétation, et qu’elles sont entièrement sèches. Ils rejettent souvent celles qu’ils ont mangées dans une autre circonstance. Cette variation dans leur goût tient au degré d’appétit dont ils se sentent pressés, ou aux alimens plus ou moins savoureux dont ils ont été précédemment nourris.

Il se trouve dans les pâturages des plantes âcres et délétères qui occasionnent souvent des mortalités parmi les troupeaux : telles sont plusieurs espèces de renoncules.

Mais si ces plantes sont peu nombreuses, et qu’elles parviennent en petite quantité dans l’estomac des animaux, leur mélange avec une masse considérable d’alimens détruit les mauvais effets qu’elles produiroient si elles étoient prises isolément. Il arrive même dans plusieurs cas qu’elles agissent comme tonique, de la même manière que la moutarde ou le poivre, mélangés à nos alimens, opèrent sur notre estomac.

Quelques plantes donnent des incommodités graves aux bestiaux qui les mangent avant qu’elles aient été desséchées. La clematis flammula est dans ce cas ; elle devient cependant un aliment sain lorsqu’elle a perdu son eau de végétation. C’est dans cet état qu’elle est employée à la nourriture des bestiaux, par les habitans du département de l’Hérault.

Quoique les animaux soient guidés assez sûrement par leur instinct dans le choix des plantes qui leur conviennent, ou dans le rejet de celles qui peuvent leur nuire, il arrive cependant en plusieurs circonstances que le goût ou l’odorat qui les conduit, se trouve en défaut, ou que la faim les force à surmonter la répugnance qu’ils éprouvent. Ainsi les bœufs, qui rejettent ordinairement la ciguë, la mangent lorsqu’elle est couverte par les eaux, malgré qu’elle leur soit nuisible. Les animaux pressés par la faim saisissent et avalent les plantes qui leur répugnent le plus ; ils agissent sur ce point comme les hommes qui mangent, faute de meilleure nourriture, les vieux cuirs et les insectes les plus dégoûtans. Les jeunes animaux sont plus délicats que les vieux sur le choix de leur nourriture : l’habitude des pâturages apprend aux uns et aux autres à discerner les plantes qui leur conviennent. On a souvent vu des troupeaux venus de loin, être attaqués de maladies graves pour avoir mangé sans discernement des plantes vénéneuses qui n’existoient pas dans les pâturages où ils avoient été élevés.

Les différentes observations que nous venons de faire doivent guider les cultivateurs dans la composition des prairies. Ils ne se borneront pas au choix des plantes indigènes, principalement lorsqu’ils se proposeront d’établir des prairies artificielles. L’agriculture, sans doute, a fait des conquêtes précieuses dans ce genre ; mais ce fonds de richesses est susceptible d’un grand accroissement.

Un propriétaire qui voudra améliorer ses prairies ou ses pâturages, doit les labourer et les ensemencer de nouveau, si les plantes inutiles ou peu productives s’y trouvent répandues en trop grand nombre, comparativement à celles qui