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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/513

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présure à odeur forte produit encore un mauvais effet.

Pour fixer, à la vérité d’une manière positive, la quantité de présure à employer, il faudroit que la température fût constamment la même, et que le lait eût une égale aptitude à se cailler. Or, cette uniformité ne sauroit exister ici ; les variations perpétuelles de l’atmosphère et de la qualité du lait, apporteront toujours de puissans obstacles à cette précision : tout ce qu’on peut avancer de plus conforme à l’expérience, c’est qu’il faut d’autant plus de présure que le lait est plus gras et plus épais ; car celui auquel on a enlevé la crème, pour en faire du beurre, est plus facile à coaguler, et c’est la température qu’on lui donne qui en fait singulièrement varier les effets. Au reste, c’est l’expérience particulière de la fermière, intelligente sur ce point, qui seule est capable de la guider et de l’instruire.

On a cru que la vertu coagulante de la présure dépendoit de l’acide qui se trouve dans l’estomac des jeunes animaux ; mais des expériences modernes prouvent évidemment que cette vertu appartient également à une foule de substances fort éloignées de tout soupçon d’acidité. Mais toutes ne sont pas propres à opérer convenablement cet effet ; car il ne suffit pas de séparer la matière caseuse de sa sérosité, il faut encore lui conserver cette souplesse, cette continuité lamelleuse, ce moelleux, qui constituent la qualité de la plupart des fromages, de ceux surtout qu’on réduit en petites masses, qu’il faut vendre et consommer dans l’année.

Des agens propres à suppléer la présure. Il existe une multitude de corps dans les trois règnes de la nature, propres à coaguler le lait et à mettre sur-le-champ en évidence une substance blanche, connue sous le nom de matière caseuse ou fromageuse : nous avons cru qu’il étoit utile de faire connoître les particularités qu’offrent la plupart.

Les acides minéraux concentrés exercent leur action sur le lait avec une telle violence, que la matière caseuse de la portion touchée est racornie, colorée, affoiblie par l’eau ; le coagulum est d’abord très-mou, mais il acquiert insensiblement plus de consistance ; le vinaigre, ainsi que les autres acides végétaux, les sels à excès d’acide, et les sels neutres, ont aussi leur manière de coaguler le lait.

Le corps muqueux insipide et le corps muqueux sucré coagulent constamment le lait, lorsqu’ils sont dans un grand état de pureté : pour en avoir la preuve, il suffit de faire bouillir du lait, soit avec de la gomme arabique en poudre, soit avec de l’amidon bien lavé, soit enfin avec du sucre ; après quelques minutes d’ébullition, on voit le caillé se former et prendre une consistance assez serrée, sur-tout si on a soin de forcer la dose de sucre, d’amidon et de gomme.

La coagulation du lait par l’alcool, et par les végétaux évidemment acides, est bien connue ; mais il faut en ajouter une certaine quantité, sans quoi le coagulum n’a jamais une forte consistance : la grande oseille semble produire l’effet le plus marqué.

Parmi les plantes non acides soumises à l’expérience, plusieurs, de la famille des rubiacées, ont été mises à bouillir dans le lait, mais il n’a jamais été possible d’en trouver une qui opérât la coagulation ; nous n’en exceptons pas même le caille-lait, vert ou sec, ancien et nouveau, à diverses époques de sa végétation, en infusion, en décoction ou en substance, auquel tous les auteurs cependant ont attribué la propriété qui lui a donné son nom : elle a été essayée, comme les auteurs le recommandent, sans avoir pu jamais obtenir un effet perceptible.

On sait que le lait qui commence à devenir ancien a une grande disposition à