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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/524

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dans ce cas ; et c’est encore un problème de savoir si l’on gagne plus par l’effeuillement, qu’on ne perd par la diminution du volume des racines. Toutes ces connoissances pratiques s’acquerront insensiblement, dès que les racines potagères pourront être admises au nombre des grandes cultures, et qu’on sera persuadé qu’elles améliorent la terre, loin de l’appauvrir, et que même elles peuvent servir d’engrais au sol dans lequel elles ont pris leur accroissement : considérées sous ce rapport, elles sont d’une très-grande utilité. Lorsqu’on est au dépourvu de fumier, il suffiroit de donner un coup de charrue, pour découvrir la tête des racines, et les exposer à la gelée ou à la pluie : ainsi endommagées, elles se gonflent, se décomposent et forment un très-bon engrais, sur-tout pour les chanvres, les lins, etc., si le sol est propre au succès de ces deux plantes.

Quoique le but de cet article ne soit pas de faire connoître toutes les variétés des racines potagères, et que chaque espèce, à l’exception du topinambour, en offre plusieurs, il n’est pas douteux qu’à mesure que ces plantes acquerront parmi nous le degré de considération qu’elles méritent, leur nombre ne se multiplie, et qu’on ne puisse en avoir pour toutes les qualités de sol. C’est ainsi que, parmi les navets, on en a trouvé une variété, telle que le navet de Suède, par exemple, dont les bestiaux sont extrêmement friands, et qui n’est nullement difficile sur le choix du terrain ; ce navet a encore le précieux avantage de résister aux plus fortes gelées, et de se conserver en terre d’une récolte à l’autre. On ne sauroit donc trop propager sa culture, et la Société d’Encouragement pour l’industrie nationale, qui justifie de plus en plus son titre, vient de donner une nouvelle preuve de son zèle éclairé, en proposant un prix pour la multiplication de cette utile racine. La culture des carottes, qui n’est pas moins recommandable, a été également l’objet de son attention.

Moyennant cette multiplicité et cette abondance de racines, il sera possible d’en distribuer alternativement, et sous des formes différentes, aux bestiaux. Cretté-Palluel a remarqué que des moutons qui mangeoient depuis long-temps de la pomme de terre, et qui paroissoient en être dégoûtés, dévoroient la betterave ; il en étoit de même de ceux qu’on nourrissoit de turneps ou de betteraves ; la diversité d’alimens aiguillonne et soutient l’appétit. Les gros navets commencent l’engrais des bœufs, dans le Limousin, et peut-être le conduiroient-ils plus loin, si on ne se bornoit pas à la culture de cette racine, et qu’on en eût d’autres à lui substituer. On doit observer seulement qu’ils ont moins besoin de boire que quand ils sont au sec. Avant de livrer au boucher les animaux nourris et engraissés avec les racines, il faut les soumettre à l’usage du foin ou de quelque farineux, pour rendre leur graisse et leur chair plus fermes et plus succulentes.

Il ne suffit pas de se procurer beaucoup de racines potagères ; il faut savoir les conserver pendant l’hiver. On ne peut se dissimuler que, quand on a la récolte de plusieurs arpens à mettre en réserve, il seroit difficile de se servir des pratiques indiquées aux mots Pomme de terre et Rave, parce qu’il faudroit les multiplier à l’infini, et que d’ailleurs les cultivateurs manquent d’emplacement pour garder de grandes provisions. Voici une pratique à essayer, que mon collègue Yvart m’a communiquée.

Elle consisteroit à faire, avec de la paille de peu de prix, très-commune dans presque toutes les fermes, une meule creuse, arrangée de cette manière : on feroit d’abord, avec des broussailles et de la paille, un large sous-trait, très-épais et très-serré, afin de garantir les racines