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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/541

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bine tout l’acide tartreux ; maïs la potasse reste dissoute dans la liqueur ; elle peut s’unir aux acides maliques et acéteux, en augmentant la proportion de chaux vive. On neutralise, à la vérité, tous les acides ; mais cette terre, en partie dissoluble dans l’eau, ainsi que dans les malates et les acétates de chaux, il est difficile de les séparer du sirop sans l’altérer.

En se bornant cependant à saturer les acides par la chaux, au moyen du carbonate calcaire, et en séparant exactement le tartrite de chaux, on peut obtenir un sirop dans lequel restent, à la vérité, du tartrite de potasse, des malate et acétate, mais en trop petite quantité, pour être sensibles au goût. Dans cet état, ce sirop est agréable, et peut très-bien suppléer au sirop de sucre, principalement dans les années abondantes en raisin, au midi de la France, où ce fruit est d’autant plus riche en sucre, qu’il l’est moins en tartre, et devenir, sous la main du vigneron industrieux, une branche importante d’économie, parce que la préparation dont il s’agit n’est pas difficile, et que d’après l’aperçu de ce que peut fournir la vigne, il ne lui en coûtera presque que des soins, du temps et le combustible.

C’est sur-tout le raisin blanc qu’il faudroit choisir de préférence pour cette préparation ; il fournit moins de matière colorante et de tartrite acidule de potasse, que le raisin noir, mais aussi il paroît moins facile à conserver ; tandis que la couleur de ce dernier, étant d’une nature un peu acerbe, est plus propre à retarder la fermentation spiritueuse du sirop. En y ajoutant quelques aromates, on le rendroit très-agréable.

Au reste, quelle que soit la nature du raisin, pourvu qu’il ait atteint le point de maturité, la même espèce peut fournir à l’existence de deux sirops distinctifs par leur couleur et leur saveur ; le premier n’est que le moût clarifié et rapproché à l’état de sirop ; le second est ce même moût dans lequel on a jeté un peu de craie pour neutraliser les acides, lequel, clarifié et évaporé au même degré de consistance, donne un résultat comparable au sirop de sucre, ayant un goût un peu mielleux ; l’autre, au contraire, est aigrelet, coloré et transparent. Ces deux sirops, mis en réserve, peuvent avantageusement suppléer le sucre, et remplacer les sirops les plus usités, soit mucilagineux, soit acides, devenir même la limonade des hôpitaux ; ou pourroit faire entrer l’un dans les confitures et les gelées acides, l’autre dans les compotes de poires et de pommes ; il suffiroit d’en verser une certaine quantité sur les fruits cuits, dont la fadeur a souvent besoin d’être relevée par un assaisonnement aigrelet-doux.

Sirop de carottes. Dans tous les ouvrages modernes d’économie rurale et domestique, il n’est plus question maintenant que du sirop préparé avec les carottes ; mais rien n’est moins conforme à l’art, plus embarrassant et plus coûteux, que le procédé indiqué pour sa préparation.

Et, en effet, si on examine ce qui se passe dans une racine charnue, soumise à ébullition dans l’eau, on remarque que les principes qui la constituent sont isolés, pour ainsi dire, dans l’état naturel, se réunissent et se combinent de plus en plus, acquièrent de la mollesse, de la flexibilité ; d’où résulte ce qu’on nomme la cuisson, pendant laquelle une partie de l’extrait a passé dans le véhicule employé ; l’autre demeure adhérente à la substance elle-même, défendue et recouverte par le tissu ; la troisième s’est unie avec la matière fibreuse.

En vain on continueroit de faire bouillir une racine, après qu’elle a subi la cuisson, pour en obtenir la totalité de l’extrait qu’elle contient, l’eau ne se charge plus, même par des décoctions longues et répétées, que d’une petite portion, et elle parvient à l’état de squelette fibreux, sans avoir pu fournir à l’eau, aidée de la chaleur, les principes que ce fluide étoit capable de dissoudre et d’extraire, etc.

Il y a long-temps que j’ai dit et prouvé que, pour avoir à part tous les principes des racines charnues et succulentes, il falloit non pas les cuire, non pas les piler ou les froisser, quand elles sont crues ou cuites, mais les laver à plusieurs eaux, les râper, déchirer les réseaux fibreux dans lesquels se trouvent renfermés certains corps muqueux, comme dans des étuis.

Une autre condition à laquelle on ne fait pas assez attention, lorsqu’il s’agit de faire du sirop avec des racines de cette espèce, c’est que, quand le suc est exprimé, il ne faut procéder à son évaporation qu’après l’avoir laissé reposer dans un endroit frais pendant vingt-quatre heures, puis décanté ; car la plupart d’entr’elles renferment de l’amidon qui, à un certain degré de chaleur, se convertissant en empois ou gelée, donneroit de la consistance au liquide, et ne concourroit nullement à sa conservation. Je vais, à cet égard, faire mention d’une seule expérience.

Après avoir pris trois livres deux onces de carottes privées de leurs feuilles, de leurs queues, et nettoyé la superficie de leur substance, je les ai râpées. Cette première opéra-