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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/559

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près ce qui a été dit, plus expéditive et plus facile.

5°. Huit kilogrammes de chanvre en paille roui par le nouveau procédé, produisent communément deux kilogrammes de masse pure par le teillage à l’humide ; tandis que le chanvre roui à l’eau par l’ancien procédé, et broyé, ne donne au plus, sur huit kilogrammes, que quatorze à quinze hectogrammes en filasse.

Le teillage en sec du chanvre roui par l’ancien procédé ne produit pas la même quantité que celui qui se fait à l’humide ; la rupture de la chènevotte, en plusieurs endroits, occasionne un plus grand déchet de filasse.

Le chanvre, dans l’ancien procédé, lavé au sortir du routoir, broyé et peigné, on obtient, sur quatre kilogrammes de filasse, un kilogramme de long brin, quinze hectogrammes de second brin, le reste en pattes, étoupes et poussière.

La même quantité de chanvre manipulée suivant le nouveau procédé, donne deux kilogrammes de long brin, un kilogramme de second brin, et environ un kilogramme de pattes et étoupes.

Ainsi, sur huit kilogrammes de chanvre en paille, on obtient, par le nouveau procédé, deux kilogrammes en filasse ; et, sur cette filasse, un kilogramme de premier brin, ce qui n’existe dans aucune des manipulations connues.

6°. Les riverains et les habitans des vallées sont presque les seuls qui cultivent le chanvre ; ils doivent ce privilège au voisinage des eaux, et à l’humidité du sol. Par le nouveau procédé, la récolte des chanvres pourra s’étendre à tous les lieux, et procurer aux habitans des plaines, dont les terres sont plus végétales que celles des marais, un nouveau genre d’industrie très-avantageux.

C’est une erreur de penser que le chanvre ne puisse pas croître à une assez grande hauteur dans les plaines ; il est de fait qu’il s’y élève jusqu’à la hauteur de deux mètres, dans une terre bien ameublie et fumée, lorsque des pluies douces fécondent la germination et tombent pendant sa croissance.

Il est aussi de fait qu’il y a par-tout de l’eau de fontaine ou de citerne en assez grande quantité pour rouir le chanvre par le nouveau procédé ; s’il survenoit des sécheresses, qui ne sont d’ailleurs qu’accidentelles, on auroit la faculté de différer le rouissage.

Il sera donc possible de cultiver le chanvre dans les plaines et les bas-fonds, toujours gras et fertiles, quoique souvent dépourvus de fontaines, et d’augmenter non seulement la masse de nos produits, mais nos richesses en ce genre, puisqu’un hectare de bon chanvre rapporte autant que deux hectares de blé.

Le gouvernement, sentant combien cette découverte intéressoit l’agriculture, le commerce et la marine, appela, en l’an 11, M. Bralle à Paris ; des essais nombreux et variés ont été faits, en présence de MM. Monge, Berthollet, sénateurs, et Tessier, membres de l’Institut ; M. Molard, administrateur du Conservatoire des arts et métiers, a dirigé ces essais, et les a suivis avec soin pendant trois mois : tout ce qui pouvoit éclairer sur les élémens et la combinaison des moyens de M. Bralle, tout ce qui pouvoit en déterminer les effets et en garantir l’efficacité a été mis en usage ; les résultats ont répondu aux espérances qu’on en avoit conçues, et Sa Majesté l’Empereur a ordonné de répandre la connoissance de cette intéressante découverte par une instruction ministérielle. S’il étoit permis de placer à côté de savantes expériences des essais faits pendant l’automne dernier, à Liancourt, en présence des femmes réunies de plusieurs villages, qui ont suivi avec soin toutes les manipulations de M. Bralle, nous en appellerions à leur admiration, en voyant s’exécuter sous leurs yeux, en deux heures, le rouissage d’un chanvre