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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/598

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manière dont elles s’y prennent ; on se dispensera donc d’en donner ici la recette. La seule remarque à faire, c’est de ne jamais y faire entrer des plantes aromatiques, parce que souvent, par la cuisson, elles changent de nature et donnent un mauvais goût à l’oseille et à la poirée, qui forment ordinairement la base des herbes cuites ; de les saler et épicer plus qu’on ne fait ordinairement, parce que, forçant du côté de ces assaisonnemens, on contribue d’une part à la conservation des herbes, et de l’autre on n’a pas besoin d’en ajouter lorsqu’on prépare la soupe. C’est une grande économie de temps, d’argent et de soins, que d’avoir une provision d’herbes cuites dans la saison ; indépendamment de l’agrément qu’elles donnent à la soupe maigre, elles relèvent la fadeur des substances nutritives employées, telles que l’orge, les lentilles, les pois, les haricots, les pommes de terre, quand elles sont délayées dans une certaine quantité d’eau.

Soupe aux racines. Elle tient aussi un rang distingué dans cet ordre d’aliment ; pour préparer la soupe aux racines, on prend d’une part des carottes, des navets, des panais, des ognons qu’on monde et qu’on divise à la faveur d’une râpe de fer-blanc ; on met la pulpe qui en provient dans l’eau sur le feu ; après trois ou quatre bouillons, on la presse à travers un tamis de crin ou d’un linge fort clair.

D’autre part, on a les mêmes racines divisées longitudinalement en morceaux minces qu’on fait revenir dans le beurre, et qu’on jette dans la liqueur ci-dessus où on les fait cuire ; il est possible d’ajouter à ce bouillon, pour lui donner plus de consistance et le rendre plus substantiel, une cuillerée de farine de fèves, de pois, de lentilles et haricots, ou bien encore d’y faire du riz au maigre ; enfin, les racines consacrées aux potages doivent toujours être préalablement râpées ; dans cet état, elles fournissent tous leurs principes. Il en faut moins pour obtenir une plus grande quantité de matière alimentaire. Une racine qui séjourne à la marmite tout le temps que dure la préparation du bouillon ne fournit à la décoction de viande qu’un foible extrait, et celui qu’elle contient encore se trouve combiné pendant la cuisson avec la matière fibreuse qui constitue le corps, ou les charpentes, ou les qualités de la graine qu’on sert souvent entière ou divisée dans le potage ou autour du bouilli.

Soupe au riz. On sait combien ce grain crevé d’abord dans l’eau, cuit ensuite dans du bouillon gras ou maigre, accommodé à la graisse ou au beurre, présente de mets différens, mais toujours agréables et savoureux ; il s’agira ici de celui proposé pour les indigens, et préparé par conséquent avec les moyens les plus économiques.

Prenez du riz 20 liv.
— des pommes de terre 60
— des pois 10
— des carottes 14
— de potirons ou citrouilles 10
— des navets 15
— du beurre fondu 4
— du sel 4

On lave le riz à deux eaux bouillantes, puis dans une eau froide, après quoi on le met sur un feu modéré, pendant la nuit, pour le faire crever doucement dans un vaisseau bien couvert.

Le lendemain, on fait cuire les pommes de terre, qui doivent avoir été lavées ; on ne met au fond de la marmite qu’un peu d’eau et de sel pour les laisser cuire, bien couvertes, dans leur propre humidité ; le potiron, les carottes et les navets seront cuits de même ; en sortant ces objets de la marmite, on les réduit en bouillie le plus exactement, en y versant de l’eau peu à peu, broyant et passant au travers d’une passoire, comme pour la purée de pois. On verse alors toute cette purée dans la marmite du riz ; on y ajoute le sel et le beurre, et l’on fait cuire à petit feu, pendant deux heures, en remuant toujours ; après quoi, on y jette le pain en petits morceaux, et l’on tient encore cela sur le feu une demi-heure ; le tout est alors capable d’être servi, avec une cuiller de bois qui contient une demi-bouteille ou chopine de Paris, c’est la ration ordinaire ; suivant des expériences soutenues pendant trois mois, une livre de cette substance suffit, à peu de chose près, à la nourriture journalière d’un adulte, et revient à peine à cinq ou six centimes. On en préparera une moindre dose, si l’on veut, en diminuant chaque article dans la même proportion. Si, par exemple, on ne prend que dix livres de riz, on ne prendra non plus que trente livres de pommes de terre, et ainsi des autres matières. Si l’on n’a pas de racines fraîches, on en prendra de sèches, mais en moindre quantité, et on les réduira en poudre. On peut suppléer au beurre avec du lait, et encore mieux avec du lard.

Cette composition de soupe est celle que faisaient distribuer aux pauvres, avant la révolution, sous le nom de riz économique, les curés des paroisses de Saint-Roch et de Sainte-Marguerite. N’en doutons pas, dès que les fonds