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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/622

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moyens d’apprécier les deux petites rivières les plus vantées dans ces deux genres, la Bièvre et le Thérain. L’opinion que M. Guillaumot a émise, dans sa Notice des Gobelins, sur la première de ces rivières, s’applique aussi parfaitement à la deuxième.

« Je ne peux pas penser, dit ce célèbre administrateur, que l’eau de cette petite rivière bourbeuse et remplie de détrimens de toutes les usines qui obstruent son cours, soit préférable à celle de la Seine pour la teinture. Je sais bien que les sels divers que l’eau des rivières tient en dissolution, peuvent influer sur le résultat des teintures ; mais outre qu’on n’emploie celle de la rivière des Gobelins, qu’après l’avoir épurée par son séjour dans une citerne, son lit contient souvent si peu d’eau, qu’on est obligé d’en envoyer chercher à la Seine, et l’on ne s’aperçoit pas que la teinture soit moins belle. »

Voici d’où provient l’erreur dans laquelle on est tombé, relativement à l’effet des eaux : on est convenu, avec juste raison, de regarder comme mauvaises toutes celles qui, contenant des substances étrangères, nuisoient par cela même au succès de quelques opérations ; mais, on ne s’est pas contenté de reconnoître pour bonnes celles qui ne tenoient en dissolution aucun sel terreux ; par opposition aux premières, on leur a accordé une grande influence et on a vanté par-tout leurs propriétés. Le repos sépare bientôt toutes les matières suspendues dans l’eau et celles qui en altèrent la transparence ; mais il ne peut la débarrasser de ces sels calcaires qui rendent les eaux dures et crues, et qui, dans le dessuintage des laines, décomposent le savon animal et tendent bientôt à les colorer.

En résumant les substances qui agissent sur le suint, nous voyons qu’elles se réduisent aux savons et aux alcalis qui peuvent seuls enlever la matière grasse, et à l’eau qui, pour dissoudre parfaitement le savon animal et les sels contenus dans le suint, doit être bien claire et ne point contenir de sels terreux. Le suint est une substance grasse, onctueuse, très-odorante, qui remplace, dans le mouton, la sueur et la matière transpirante existant dans tous les autres animaux ; outre les propriétés qu’on lui a attribuées, de donner du moelleux à la laine et d’empêcher l’eau de la pénétrer, nous ferons voir qu’il a une action plus directe sur elle, en contribuant à améliorer sa qualité.

Dissous dans l’eau et filtré pour le débarrasser des matières terreuses et animales qui ne sont que suspendues, il est d’une couleur jaune fauve, plus ou moins rougeâtre ; la filtration sépare aussi une matière blanche surnageant dans le suint, et qui, dans le dessuintage, n’a pu se combiner avec les alcalis ; elle paroît être de la même nature que le suif ; elle se fond, devient liquide à une température assez basse, et elle s’enflamme très-facilement. La matière animale, dissoute par les alcalis, en est précipitée en jaune rougeâtre par les acides qui conservent eux-mêmes cette couleur, mais en en retenant une si petite quantité, que ce seroit bien à tort qu’on pourroit proposer de s’en servir pour désuinter la laine : car ils décomposent tout le savon animal, et ils laissent en liberté toute la matière qui étoit auparavant combinée avec la potasse.

J’ai reconnu que l’acide muriatique oxigéné et le gaz acide muriatique oxigéné, formoient seuls, dans le suint, un précipité blanc qui se colore ensuite assez promptement à l’air ; c’est une espèce de pâte molle un peu visqueuse, d’une couleur jaune sale, et dont l’odeur est celle des substances animales traitées par l’acide muriatique oxigéné ; elle se fond très-facilement, et brûle avec une belle flamme blanche. Quatre livres d’eau macérées pendant quelques jours avec une livre de laine mérinos en suint, indiquent au bout de ce temps de six à sept degrés à l’aréomètre. Sa couleur est celle d’un jaune sombre ; elle a une saveur amère et alcaline très-prononcée.

En faisant passer à travers ce liquide du gaz acide muriatique oxigéné jusqu’à saturation complète, j’ai retiré du dépôt qui s’y est formé, deux onces sept gros vingt-six grains de la matière animale dont je viens de parler.

Deux gros de ce précipité, tenus pendant