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pied de l’animal et en s’assurant de sa nature par sa voie et ses fumées. Ce sont là des préparatifs indispensables d’une grande chasse, ils éprouvent des modifications, suivant l’espèce du gibier. Le lendemain on va attaquer avec les chiens courans l’animal détourné ; mais il arrive quelquefois qu’ayant changé de canton, on ne le retrouve plus dans l’enceinte, ce qui s’appelle faire buisson creux.

De la chasse du cerf. Cette chasse est réservée aux plaisirs des princes ; c’est pour elle principalement qu’ont été instituées ces combinaisons d’attaque et de poursuite, ces règles de cérémonial suivies en vénerie. La chasse du cerf est donc celle qui doit occuper le moins de place dans cet Ouvrage, par cela même qu’elle en occupe une très-grande dans le recueil des attributions privilégiées des cours.

J’ai donné à l’article Cerf, les moyens de juger un cerf, par le pied, les fumées, les allures, les abattues, les foulures, les portées, le frayoir, etc., connoissances indispensables pour tout veneur.

Après avoir détourné le cerf de la mamière indiquée plus haut, et après que les hommes, tant à cheval qu’à pied, ainsi que les relais ou divisions de la meute ont été disposés convenablement, suivant les localités, on attaque le cerf, soit à trait de limier, c’est-à-dire en mettant le limier sur la voie, le laissant aller de toute la longueur du trait, et l’encourageant à haute voix, soit avec la meute même que l’on fait entrer dans le fort.

Dès que le cerf est lancé, celui qui laisse courre sonne pour faire découpler les chiens que les piqueurs encouragent de la voix et de la trompe, et qu’ils accompagnent toujours, piquant à côté d’eux, et toujours les animant sans trop les presser. Lorsque les chiens sont en défaut, on prend les devants, on retourne sur les derrières, les chiens travaillent de concert, jusqu’à ce qu’on soit retombé sur les voies, et que les chiens aient relevé le défaut. Ils chassent alors avec plus d’ardeur, les ruses et les détours du cerf deviennent inutiles, les chiens savent les démêler et en triompher. Si l’animal se jette à l’eau pour dérober son sentiment aux chiens, les piqueurs traversent ces eaux, ou bien ils tournent autour, et remettent ensuite les chiens sur la voie du cerf qui ne peut aller loin dès qu’il a battu les eaux ; il est bientôt aux abois ; il tâche encore de défendre sa vie, et blesse souvent de coups d’andouillers les chiens, les chevaux, et les chasseurs eux-mêmes.

Quand un cerf est tout à fait sur ses fins, il ne fait plus que randonner, sa bouche est noire et sèche, et sa langue se retire ; il n’appuie plus que du talon, ne marche qu’en chancelant, fait de grandes glissades dans lesquelles il imprime sa jambe et ses os en terre, et se sentant tout à fait affoibli, il entre dans l’eau s’il en trouve à sa portée, ou reste derrière une touffe de bois. Alors un des piqueurs lui coupe le jarret pour le faire tomber, et l’achève ensuite en lui donnant un coup de couteau de chasse au défaut de l’épaule. Si le cerf se fait prendre à l’eau où il se tient à la nage, et si les chiens ne peuvent venir à bout de le noyer, il est dangereux de chercher à l’approcher à cheval ; il est plus prudent de se servir d’un petit bateau, et, quand on est à portée de l’animal, on le tue d’un coup de carabine ; on l’amène ensuite à terre, attaché au bateau.

Pendant tout le temps que le cerf est aux abois, on sonne des fanfares, que l’on répète pour célébrer sa mort. On le laisse fouler aux chiens, c’est-à-dire qu’on leur permet de se jeter dessus et de le mordre, et on les fait jouir pleinement de leur victoire en leur faisant curée.

On distingue en vénerie deux sortes de curées ; l’une chaude et l’autre froide. La curée chaude se fait sur les lieux, et au moment de la mort de l’animal ; la curée froide ne se fait qu’au retour de la chasse, le soir ou le lendemain. Quand les chiens ont foulé l’animal mort, on les fait retirer en leur disant : derrière, derrière chiens ; tirez, tirez derrière. On dépouille le cerf, suivant les règles que la vénerie prescrit ; on appelle les chiens, en leur disant : tayaux, tayaux ; hallaly, valets, hallaly. Les morceaux du cerf sont déposés sur sa peau, que l’on étend à terre, et que, par cette raison, les veneurs appellent la nappe. Pendant la curée,