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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/687

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article, le résultat des expériences que j’ai faites sur les diverses méthodes de procéder à la clarification des liquides, de ceux surtout qui ont subi la fermentation vineuse.

Clarification des vins. Le but qu’on se propose dans ce travail, qui tend à éclaircir les vins, c’est de les débarrasser des corps qui, sans être dissous, y restent suspendus, et obscurcissent leur transparence. Ce travail est désigné, dans la clarification, sous le nom de soutirage ; il est suffisant pour les cantons dont les habitans tirent, comme on dit, au tonneau, une partie des impuretés qui nagent dans le liquide ; elle en est, à la vérité, séparée ; mais les vins ne peuvent acquérir spontanément, par le temps et le repos, cette belle limpidité à laquelle on attache tant de prix ; il faut nécessairement recourir au collage et à la clarification.

Mon dessein n’est pas d’examiner ici tous les procédés indiqués et essayés pour tirer les vins au clair. J’observerai seulement qu’on ne doit pas, pour vouloir réunir les molécules hétérogènes éparses dans un liquide qu’on se propose de clarifier, s’exposer à en altérer la composition, et c’est vraisemblablement ce qui sera arrivé lorsqu’on a été forcé de tâtonner entre cette foule d’agens préconisés autrefois, dont on ne connoissoit alors ni la nature, ni la manière d’opérer ; dans ce nombre, je n’en signalerai qu’un seul, c’est le sable bien lavé et très-pur, parce qu’étant insoluble dans le vin, il ne pourroit lui communiquer aucun goût étranger : son usage, à la vérité, n’est utile que dans le cas où les vins n’ont besoin que d’être dégagés de légères ordures, qui en troublent ordinairement la transparence ; il entraîne, par sa pesanteur spécifique, tout ce qui se rencontre sur son passage, et va se confondre dans la lie.

C’est surtout pour les vins rouges, qu’on fait un grand usage de l’albumen, après le soutirage, et quelques jours avant de les mettre en bouteilles : dans ce cas, il suffit de battre les blancs d’œufs avec de l’eau, de les ajouter par la bonde, en les mêlant au vin par l’agitation : peu de temps après, on apperçoit se former un réseau dans tout le mélange, et bientôt ce réseau, en se concentrant sur lui-même, rassemble tous les corps qui sont étrangers au vin, et les entraîne au fond du tonneau.

Un fait qui démontre que les vins blancs, comme les vins rouges, peuvent être clarifiés par l’albumen, c’est que les habitans de l’Ouest et du Midi n’emploient pas d’autres moyens pour cette opération, et que, d’après les relevés des douanes de Bordeaux, cette ville consomme annuellement pour ce seul article, près de quinze millions d’œufs, tandis que dans les départemens septentrionaux, les blancs d’œufs servent exclusivement aux vins rouges, et on croit ne pouvoir se dispenser de faire usage de la colle de poisson pour clarifier les vins blancs. Quelques informations prises auprès des négocians de différens départemens, n’ont pu encore m’éclairer sur les motifs qui leur font préférer, dans ce cas, la colle de poisson : il semble même, d’après les réponses vogues et insignifiantes qui m’ont été faites, que cet usage tienne à des habitudes locales.

Mais si l’albumen, pour clarifier tous les vins, quelle qu’en soit la couleur, remplit complètement cet effet, il faut convenir qu’il n’est pas toujours à l’abri de quelques inconvéniens ; et malgré l’attention recommandée de n’y employer que des œufs frais, de les examiner, de les casser un à un dans un vase particulier, il est arrivé quelquefois que pour s’être servi d’un œuf qui avoit un commencement d’altération, on a changé, dénaturé ou masqué le parfum, le gratter des vins.

J’ai vu chez un de mes amis, dont la cave étoit livrée à des domestiques peu soigneux, une pièce de vin, qui avoit absolument le goût d’un œuf qui, comme on dit, sent la paille. Combien de fois n’a-t-on pas accusé les tonneaux, la cave, le sol d’en être cause, quand ce goût particulier ne provenoit souvent que de la clarification opérée par les œufs, dans le nombre desquels il s’en sera trouve un seul de gâté ! On sait que dans cet état il peut influer désagréablement dans les ragoûts, dans les pâtisseries, dans les crèmes, etc., etc.

Mais, dira-t-on, il sera toujours possible de parer à cet inconvénient, avec l’attention de n’employer, en pareille circonstance, que des œufs frais. Ce moyen, à la vérité, est fa-