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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/689

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après avoir été nettoyées et séchées avec soin, une colle aussi bonne, ou du moins presque aussi bonne que celle qu’on nous apporte de la Russie méridionale. On l’a essayée avec succès, et je n’ai pas besoin de faire remarquer à quel bas prix et dans quelle quantité on auroit une préparation que l’on feroit avec des matières rejetées de toutes les poissonneries et de toutes les cuisines, et dont l’emploi ne diminueroit en rien la consommation des autres parties des poissons. »

Les poissons les plus propres à remplacer, avec leurs intestins et leur peau, l’ichtyocolle, sont principalement ceux que les naturalistes rangent dans la famille des cartilagineux ou des chondropterygiens et branchiostéges ; tels sont les chiens de mer, les roussettes, les raies ; ces poissons fournissent un gluten gélatineux, extrêmement abondant et très tenace, comme on l’a éprouvé. La couleur est, à la vérité, un peu plus foncée que celle de l’ichtyocolle, et elle conserve une légère odeur de poisson ; mais la petite quantité qu’on en emploie, soit pour clarifier les diverses liqueurs, soit pour coller des objets cassés, soit pour donner un lustre éclatant à diverses étoffes de soie, n’est nullement capable d’offrir une différence sensible avec l’ichtyocolle.

Pour ôter tout soupçon à cet égard, voici plusieurs espèces de poissons, dont les membranes et les vessies fournissent une ichtyocolle toute aussi bonne, aussi transparente, aussi inodore et aussi peu sapide que celle de l’esturgeon, puisque l’essai en a été fait.

Le premier est le mal, poisson d’eau douce, qui devient très-gros et qui se pêche dans le Rhin, le Danube et le Volga. Il appartient au genre des silures, et Linnée le désigne sous le nom de silurus glanis. Ceux du Danube ont communément six à huit pieds de longueur, et pèsent environ trois quintaux. C’est un animal pesant, qui se tient dans les fonds vaseux, quoiqu’il multiplie peu, et qu’on ne le trouve guères qu’apparié avec sa femelle, il est abondant dans les eaux des grands fleuves. Sa vésicule aérienne fait une ichtyocolle bonne, transparente et inodore ; de là vient la dénomination de poisson ichtyocolle, que lui ont imposée plusieurs naturalistes.

En général, tous les poissons peu couverts d’écailles, qui vivent dans les eaux tranquilles des lacs, des étangs, fournissent une abondance extraordinaire de gélatine très-saine et très-agréable, si l’on a soin de la préparer avec propreté ; car non seulement elle sera transparente et inodore, comme la colle de poisson, mais même elle présentera des gelées plus pures ; car les Tartares et autres habitans demi-sauvages qui apprêtent l’ichtyocolle, sont connus pour être, en général, fort malpropres et dégoûtans. Les poissons des eaux vives, des fonds caillouteux, des mers agitées, ayant une chair plus ferme et plus fibreuse, présentent moins de principes gélatineux ; telles sont les espèces que les naturalistes rangent dans l’ordre des thorachiques, et qui se tiennent dans les hautes mers. Ceux des rivages tranquilles, des baies peu agitées par les tempêtes, et qui rampent dans la vase, sont très-propres à fournir, dans toutes leurs parties, une gélatine plus ou moins transparente et inodore, suivant le degré de soins qu’on apportera dans sa préparation.

Les poissons les plus propres à cet objet, sont premièrement le perce-pierre ou la baveuse, le blennius pholis L., qui se trouve dans l’Océan et la Méditerranée, au milieu des varechs et dans les trous des rochers ; tout son corps est enduit d’une humeur visqueuse très-abondante, et il peut servir en entier d’ichtyocolle, avec d’autant plus de fruit, qu’on fait peu de cas d’une chair si gélatineuse. Plusieurs autres espèces du même genre serviront facilement au même objet, telles que le lièvre de mer moucheté, blennius ocellaris L., qui vit dans la Méditerranée ; la molle, blennius phyces L. de la même mer, ainsi que la coquillarde, blennius galerita L., dont la chair est également gélatineuse.

Secondement, si l’on craignoit que le nombre de ces poissons ne pût suffire à la préparation de la colle de poisson que l’on consomme, il en est une source très-abondante dans les morues. « On fait, dans le Nord, avec les vésicules aériennes des morues,