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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/694

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appellent pigeons de genres, il faut observer avec soin de n’y employer que les espèces dont la grosseur est une des beautés, tandis qu’il faut éviter le croisement lorsque l’on veut conserver les petites espèces dans leur forme ordinaire. Si au contraire on ne cherche qu’à obtenir de forts pigeonneaux, il importe peu de mélanger les races, en observant néanmoins de donner à la femelle un mâle plus gros qu’elle.

Il seroit à souhaiter que la race des pigeons mondains fût sans défaut, car il n’est pas rare d’y rencontrer des individus stériles ; du reste, c’est la plus excellente race pour le produit, et une des meilleures pour la qualité des pigeonneaux.

Quand on peuple une volière, ou qu’on veut remplacer les pigeons invalides, on conserve ordinairement les pigeons nés en septembre ou octobre, parce qu’ils sont dans toute leur force au mois de mars suivant. On sait qu’un ou deux mâles non appareillés suffisent pour porter le trouble dans l’habitation, et pour déranger toutes les pontes ; aussi quelques amateurs ont-ils la précaution de retirer de la volière, aussitôt qu’ils mangent seuls, tous les jeunes pigeons qu’ils destinent à augmenter le nombre des nids, ou à remplacer ceux dont l’âge annonce la prochaine stérilité. Ils les réunissent dans un endroit qu’ils nomment l’appareilloir, et les y laissent jusqu’à l’époque où le roucoulement des mâles et la coquetterie prononcée des femelles ne laissent aucun doute sur le sexe des individus ; alors, à moins que vous n’en ayez de différentes races, que vous ne vouliez croiser, ne gênez point leurs inclinations, et laissez-les faire leur choix. Vous vous apercevrez bientôt des affections mutuelles ; vous transporterez dans la volière les paires qu’un même sentiment a déjà unies. Il y a même de l’inconvénient à mettre indistinctement un mâle et une femelle pour qu’ils s’accouplent. Dans ces ménages brusquement formés, avant que les soins mutuels en fassent le lien, la discorde règne plusieurs jours. Le mâle exerce sur la femelle une tyrannie, qui va jusqu’à la frapper presque continuellement à coups de bec, et à la tourmenter sans cesse. Il est ennuyeux d’être témoin de cette dissension, qui dure plus ou moins, qui se termine à la vérité par une union indissoluble, mais qu’on peut éviter, en laissant à l’inclination de la femelle, dans un appareilloir, le choix de l’objet auquel elle doit vouer une fidélité sans bornes, et presque sans exemple. Heureux néanmoins des époux dont l’union est précédée de quelques momens d’orage, pour n’être suivie que d’une continuité de jours sereins ! Le couple une fois uni demeure joint toute la vie ; mais si l’un d’eux vient à mourir par quelque accident ou autrement, celui qui survit cherche et trouve à former une nouvelle alliance.

Quels que soient la qualité de la nourriture des pigeons, et les soins qu’on leur donne, il arrive souvent qu’ils font des œufs clairs, c’est-à-dire qui ne sont pas fécondés. Quand on s’en apperçoit, il faut les ôter de dessous la couveuse, et leur substituer, si l’on veut, ceux d’une autre paire, dont on voudroit multiplier l’espèce ; sans quoi le temps qu’ils emploiroient à couver ces mauvais œufs seroit entièrement perdu, tandis que ceux dont on a enlevé les œufs pondent de nouveau au bout de quelques jours.

Pour manger de bons pigeonneaux, il ne faut pas attendre qu’ils mangent seuls, parce qu’alors ils maigrissent ; leur chair n’a plus cette finesse et cette délicatesse qui caractérisent les pigeonneaux de volière. C’est lorsqu’ils ont environ un mois, et qu’ils sont sur le point de sortir de leurs nids, qu’il faut les prendre ; mais si l’on veut manger d’excellens pigeonneaux, il faut les engraisser de la manière suivante :

Lorsque les pigeonneaux seront parvenus au dix-neuf ou vingtième jour, que le dessous de leurs ailes commencera à se garnir de plumes ou de canons dans la partie des aisselles, retirez-les de la volière, placez-les ailleurs dans un nid, et couvrez-le avec une corbeille, un panier, qui refuse l’accès à la lumière, et laisse un libre passage à l’air. Tout le monde sait qu’on doit, en général, tenir dans l’obscurité les animaux qu’on veut engraisser artificiellement. Ayez des grains de maïs qui auront trempé dans l’eau environ vingt-quatre heures : retirez deux fois par jour, le matin de bonne heure, le soir avant la nuit, chaque pigeonneau hors de son nid ; ouvrez-lui le bec avec adresse, et faites-lui avaler chaque fois, selon son espèce et